Une enquête de terrain, menée par une association spécialisée, a révélé que “la moitié des jeunes de Constantine se shootent”, qu'ils soient dans les ruelles de la Souika ou dans les écoles. Une enquête qui a touché un échantillon de 215 personnes interrogées dans trois quartiers populaires de Constantine, 58% d'entre eux sont des “poly”-toxicomanes dont 28% des écoliers, des collégiens ou des lycéens. Tels sont les résultats de l'étude menée par les membres de l'Association nationale de lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie dans la ville des Ponts suspendus. Ces derniers ont conclu que le constat est “alarmant”. D'autant plus que la prise en charge de ces personnes est impossible, actuellement, du fait de l'inexistence de centre de désintoxication à l'est du pays. Les patients doivent se déplacer jusqu'à Blida pour recevoir les soins nécessaires. Selon le président de l'association Alat, le Dr Benarab, l'étude en question, première du genre dans la région Est du pays, s'est basée sur quatre axes essentiels. Le premier est celui du degré de la toxicomanie du sujet, qui permet de classer le sujet selon le type de drogue consommée. Le second axe est le suivi médical. Les membres de l'association qui ont pris en charge cette mission ont soulevé dans la majorité des cas, l'absence d'un suivi médical au profit de cette catégorie de la société où 75% sont des célibataires, âgés entre 18 et 30 ans. Ce manque est un handicap de taille qui est dû, essentiellement, à l'absence des structures spécialisées d'accueil. Le profil socioprofessionnel de la personne interrogée est le troisième axe de l'étude. Enfin, l'approche psychiatrique, qui éclaircira de façon scientifique les degrés de troubles de la personnalité du sujet, est le quatrième axe d'exploration. L'enquête des membres de l'association, a démontré que 24% des cas interrogés au niveau des cités Emir-Abdelkader, Boudraâ-Sallah, Souika et Rahbet-Essouf, consomment le cannabis contre 11% qui recourent aux psychotropes. Au même moment, 3,5 % d'entre eux sont dépendants de l'alcool et 1,5% se droguent en utilisant un antitussif et antalgique dont l'emploi excessif aboutit à une toxicomanie. Sur un autre chapitre, 2% des personnes interrogées se droguent en utilisant des solvants, diluants et dissolvants. Face à cette situation préoccupante, une prise en charge sérieuse du phénomène de la part des instances concernées s'avère inéluctable, a estimé le président de l'association. Tout en ajoutant que les autorités à Constantine se sont contentées de promettre l'ouverture d'un pavillon de désintoxication au sein de l'hôpital psychiatrique de Djebel Ouahch. Une promesse qui n'a pas encore vu le jour par manque de personnel qualifié au sein de l'établissement. Le Dr Benarab, en tant que spécialiste, a proposé de créer une cellule d'écoute pour aider ces jeunes à dépasser cette phase au lieu de les caser dans des prisons. Il convient de signaler que les résultats de cette étude seront annoncés lors du prochain colloque portant sur “Le rôle des recherches scientifiques dans la promulgation d'une politique nationale de lutte contre la drogue”. Une rencontre qui devra se dérouler le mois prochain, à Alger, à l'initiative du ministère de la Justice. L'état des lieux ne laisse aucune équivoque. Le mal est si profond que la lutte contre le fléau ne doit plus se limiter aux volets juridique et sanitaire. Une approche systémique avec l'insertion sociale comme objectif nodal s'impose. Madani R.