Longtemps après avoir observé de la distance face à la lutte engagée par l'Algérie contre le terrorisme, Ottawa emboîte le pas à son voisin US et propose ses services. Pour son premier déplacement à l'étranger depuis sa nomination au poste de gouverneur général du Canada en 2005, Michaelle Jean a choisi l'Algérie. Son escale dans notre pays (du 19 au 22 novembre) sera l'entame d'un périple africain de trois semaines qui la mènera tour à tour au Mali, au Ghana, en Afrique du Sud et au Maroc. Mme Jean connaît l'Algérie à travers son président qu'elle a eu l'occasion d'interviewer quand elle était journaliste à Radio Canada. Sa rencontre avec Abdelaziz Bouteflika remonte à 2000, lors du séjour qu'il avait effectué au pays de l'Erable. “Ils ont gardé depuis de très bonnes relations”, révèle Robert Peck, ambassadeur de la confédération à Alger. Sans doute à cette époque, la présentatrice vedette du téléjournal ne se doutait pas qu'elle allait revoir M. Bouteflika, en qualité de chef d'Etat. Son militantisme en faveur des droits des femmes, des enfants et des immigrants, ainsi que sa brillante carrière de journaliste ont plaidé pour son ascension au titre de gouverneur. “Elle représente les valeurs canadiennes d'ouverture, de tolérance et de compassion”, résume flatteur le responsable de la chancellerie. Dans une conférence de presse tenue hier au siège de l'ambassade, M. Peck décrit la visite d'Etat — de 4 jours — de Mme Jean comme le couronnement d'un partenariat exemplaire et le stimulateur d'une coopération encore plus étroite. Selon lui, les progrès accomplis par le gouvernement algérien pour “la promotion des droits de la personne”, la consolidation de l'Etat de droit et la restauration de la paix civile sont des motivations d'une plus grande collaboration. “C'est assez nouveau”, note l'ambassadeur. Dans ce cadre, il révèle la venue à Alger, cet automne, d'une mission technique composée des représentants de 7 ministères qui ont rencontré “leurs vis-à-vis”, en vue d'explorer les perspectives de coopération dans le domaine sécuritaire. “En 2007, nous connaîtrons les premiers résultats de cette mission. Je suis optimiste”, s'enthousiasme le diplomate sans toutefois livrer avec exactitude les axes précis de la coopération. Il est beaucoup plus précis en évoquant les secteurs économiques et commerciaux. “L'Algérie est le premier partenaire du Canada en Afrique et au Moyen-Orient”, rappelle M. Peck. Il soutient qu'“il y a toujours des choses à faire”. Le montant des échanges commerciaux s'élève à 4,4 milliards de dollars canadiens. “La balance est surtout en faveur de l'Algérie car elle nous exporte beaucoup de pétrole”, observe le diplomate. De notre côté, nous consommons énormément de blé canadien. “On dit que le blé dur est le meilleur pour le couscous”, plaisante M. Peck qui, à l'occasion, argue des relations traditionnelles entre la Commission canadienne de blé et l'OAIC. Si le commerce est florissant, les investissements se font encore désirer. Ils se chiffrent à peine à 3 milliards de dollars canadiens. Ce qui “n'est pas assez”, admet l'ambassadeur. Les domaines de placements sont les mines, l'agriculture et l'équipement. “Nous avons aussi des projets dans le logement”, remarque M. Peck. Avec l'air de maintenir le suspense, il annonce “de bonnes nouvelles”. Selon lui, le forum des affaires que Mme Jean présidera à Djenane El-Mithaq au cours de son séjour, sera une opportunité pour faire le bilan des “succès récoltés par les entreprises canadiennes” présentes dans notre pays. La politique de sensibilisation en direction des hommes d'affaires d'outre-Atlantique s'exprime à travers la création, il y a une semaine, d'un bizness-club. Consciente des opportunités d'affaires, Ottawa n'entend guère rater sa chance. En contrepartie, elle se distingue par un engagement humanitaire louable. À titre d'illustration, la décision vient d'être prise d'aider à la prise en charge des victimes des mines antipersonnel. Sur un tout autre chapitre, les conditions de délivrance des visas pour les visiteurs et les migrants ont été assouplies. “Nous avons ouvert un nouveau guichet”, assure, en outre, M. Peck. 3 500 visas sont délivrés annuellement aux visiteurs et 1 500 autres aux immigrants. “Le nombre de refus est en baisse”, confie l'ambassadeur. La communauté algérienne établie au Canada est estimée à 50 000 individus. “Peut-être plus”, pense le diplomate. Il la décrit comme étant “très bien intégrée et jouant un rôle important dans toutes les facettes de la vie sociale”. Les Algéro-canadiens sont également qualifiés de “passerelles” entre leur pays d'origine et celui d'accueil. La distance, en tout cas, est en voie de résorption. La signature d'un accord aérien sur l'ouverture de lignes directes entre Alger et Montréal en est l'illustration. Ce pacte sur le partage des codes, conclu en juillet 2006, sera effectif cet été avec la programmation des premiers vols. Les dessertes seront assurées conjointement par Air Algérie et Lufthansa (pour le compte d'Air Canada). “L'ouverture de cette ligne encouragera les hommes d'affaires à venir”, prédit l'ambassadeur. Un grand nombre fera partie du voyage du gouverneur. Au cours de sa visite, Mme Jean sera reçue par M. Bouteflika. Elle se rendra également au siège de la Radio et de la Télévision où elle animera une conférence. Enfin, elle aura à rencontrer des membres de la société civile et des journalistes. Samia Lokmane