Médecins légistes, magistrats et officiers de la police judiciaire (police, gendarmerie et renseignements) algériens ont débattu, ce week-end à Constantine, avec leurs homologues arabes, européens, américains et asiatiques, de la place de la médecine légale. La manifestation, organisée pour la première fois en Algérie par la Société méditerranéenne de médecine légale, a permis aux médecins légistes d'actualiser leurs connaissances et de les faire partager avec leurs homologues venus de 17 pays différents. Le rôle des 150 médecins légistes algériens ne cesse, ces derniers temps, de prendre de l'importance, soit depuis que cette discipline est en passe de devenir un des leviers majeurs de l'évolution du fait judiciaire. D'autant plus que le taux des morts violentes d'origine criminelle, les suicides, les accidents mortels sur la voie publique, les catastrophes (naturelles et autres) et les morts par drogues sont en hausse. À ce propos, il importe de savoir, à titre d'illustration, que le service de médecine légale de Bab El Oued (Alger), à lui seul, traite 4 000 cas de violence chaque année avec 200 autopsies par an, selon les déclarations du professeur M. S. Laïdaoui. Pour le service de médecine légale du CHU Ben-Badis de Constantine, sur une période de 14 ans (1992/ 2005), 2 995 dossiers concernant les morts violentes ont été traités. Près de la moitié (1 676) sont d'origine accidentelle, le tiers (822) d'origine criminelle et le reste, soit 421, des suicides. Les données du même service révèlent que l'incidence de la mort criminelle est de 6,40 homicides pour 100 000 habitants, durant la période qualifiée de décennie noire (de 1992 à 2001). après 2002, ce coefficient a chuté à 2,82 homicides pour 100 000 habitants. Soit au même niveau que la moyenne européenne qui est généralement de moins de 3 homicides. Ainsi, la criminalité chez nous est “dans la norme”, surtout comparée aux pays de l'Amérique du Sud où le coefficient est de 60,8 ! L'image du médecin légiste appelé par le parquet pour déterminer l'heure du décès est révolue. Ses compétences sont plus vastes. Il est sollicité dans l'identification par l'analyse de l'ADN des victimes et coupables des crimes ainsi que des agressions sexuelles. Le service du CHU de Beni Messous (Alger) a traité de 2005 à ce jour 120 cas. Il est fait, aussi, recours à ses expertises dans les enquêtes sur les crimes relatifs à l'avortement et aux responsabilités médicales.Les mutations économiques ont placé, elles aussi, en avant de la scène l'expertise du médecin légiste. C'est le cas dans les affaires d'assurance lors de l'évaluation des dommages corporels. La réforme de la justice et des revendications des droits de l'homme plaide pour l'abandon de l'inculpation par l'aveu en faveur de celle par la preuve. La médecine légale, à travers le recours aux empreintes génétiques, est au centre de ce processus de modernisation. Enfin, le médecine légale est omniprésente dans les enquêtes relatives aux affaires de drogue et, plus récemment, au dopage sportif. Ainsi, dans le cadre de la gestion des catastrophes, les participants ont mis l'accent sur la nécessité d'adoption de nouvelles méthodes et techniques plus rapides et plus efficaces dans l'identification des victimes. On cite la nouvelle méthodologie développée par Interpol, qui rend l'identification des victimes des catastrophes (IVC) possible sur les lieux mêmes du sinistre. “Cette nouvelle approche doit être intégrée dans notre pays vu les problèmes rencontrés lors des intempéries de Bab El Oued et le séisme de Boumerdès”, a souligné un responsable du service de médecine légale du CHU Beni Messous. Akila Benabdesselam