Le ministère des Affaires religieuses a édicté une fetwa selon laquelle la roqia n'est l'apanage d'aucun spécialiste. De ce fait, il interdit à quiconque d'en faire un fonds de commerce. En outre, il demande aux partisans de cette pratique de consulter au préalable un médecin. Les séances doivent être limitées à deux ou trois. Pour arrondir leurs fins de mois, des imams ont trouvé dans la pratique de la roqia une source de revenus non négligeables. Beaucoup n'hésitent pas à transformer les mosquées où ils officient en cabinet de consultation. Au Télemly, des fidèles font la queue tôt le matin à l'entrée d'une des mosquées du quartier. Après la prière d'El Fedjr, l'imam consent à recevoir ses patients. Selon des indiscrétions, beaucoup viennent de loin car l'homme de culte a la réputation du parfait exorciste. Néanmoins, son don de chasser le diable risque de lui coûter sa place. Car la loi lui interdit de s'adonner à ce genre de pratiques. Demeurée indifférente à la prolifération des imams-raqi, l'administration centrale des affaires religieuses a été arrachée à sa léthargie par un fait dramatique. Au printemps dernier, deux adolescents, un frère et une sœur, résidant à Bab Ezzouar, ont trouvé la mort suite à une roqia. L'imam de la mosquée les a abreuvé de 60 litres d'eau chacun jusqu'à l'asphyxie. Aguerri, le département de Goullamalah a tôt fait de prendre une série de mesures défendant à ses fonctionnaires de se livrer à des séances de roqia. En avril 2006, le ministre envoyait une circulaire aux directeurs de wilaya avec obligation de diffusion et d'affichage dans tous les lieux de culte. En vertu de ce texte, il est interdit aux imams de pratiquer la roqia et la hidjama à l'intérieur des mosquées. Pour leur part, les inspecteurs du secteur ont été instruits d'effectuer des visites inopinées dans les lieux de culte pour vérifier que la circulaire est bel et bien appliquée. Celle-ci a été élaborée à titre de rappel de la loi de 1991 portant missions des mosquées et des imams. Légalement, l'homme de culte a cinq fonctions : religieuse, éducative, culturelle, sociale et scientifique. “Dans la fonction religieuse, la roqia n'est pas mentionnée. Pour sa part, la mosquée est sacrée. C'est un lieu de prière”, note Abdellah Tamine, conseiller à la communication au département des wakfs. Selon lui, l'imam peut éventuellement procéder à des roqia, mais à titre privé, à son domicile s'il le désire. Or, il se trouve que beaucoup occupent des logements de fonction attenants à la mosquée qu'ils transforment en salles de consultation. Certains délaissent, sans état d'âme, la salle de prière au profit de la maison où la clientèle afflue. Afin de les en dissuader, l'administration des affaires religieuses a durci le ton en prévoyant des poursuites judiciaires contre ceux qui violent le règlement. “Depuis la publication de l'instruction du ministre, nous n'avons plus enregistré de dépassement”, rassure M. Tamine. Outre ce texte, une fetwa a été édictée presque au même moment pour freiner les escrocs et les charlatans. Sept prédications y sont énumérées. Tout d'abord, il est demandé à toute personne réclamant une roqia de consulter au préalable un médecin pour définir la nature du mal dont elle souffre. Deux à trois séances au maximum sont tolérées. Les sorciers sont à éviter. Enfin, la roqia ne doit pas être un fonds de commerce ni une source de revenus à son mentor. D'ailleurs, la fetwa précise — et c'est là un point important — que cette pratique n'est du ressort d'aucun spécialiste. “Quiconque peut effectuer une auto-roqia”, explique M. Tamine. Dénonçant le charlatanisme, il précise que la roqia, en vogue à l'ère du Prophète Mohamed (QLSSSL) n'est ni plus ni moins que la récitation de quelques versets du Coran. “Or, il existe des gens qui vous reçoivent dans de véritables consultations, disposant d'un matériel médical. Ils vous auscultent à l'aide de stéthoscopes, prennent votre pouls et se comportent comme des praticiens”, relate le conseiller du ministre scandalisé. Selon lui, la roqia n'a pas de vertu thérapeutique et produit encore moins des miracles. “Elle a le don d'imprégner de sérénité les esprits tourmentés et rapprocher les croyant du Créateur”, précise M. Tamine. S. L.