La Mauritanie est entrée en démocratie en élisant sa première Assemblée librement choisie. C'est un coup d'Etat qui portait le Conseil militaire pour la justice et la démocratie, dirigé par Ely Ould Mohamed Vall, au pouvoir le 3 août 2005. En procédant, en janvier 2006, à la révision de la Constitution de 1991, le pouvoir inaugurait la mise en œuvre de sa promesse de démocratisation des institutions. Si l'on en juge par les conditions de déroulement des campagnes et suffrages, universellement approuvées, lors du référendum constitutionnel comme durant les élections locales et législatives des 19 novembre et 3 décembre, la Mauritanie aura su apprivoiser les standards internationaux de transparence électorale. Avec une neutralité globalement avérée de l'administration et d'autres mesures, comme l'autorisation des candidatures indépendantes (interdites dans l'ancien régime), l'introduction du bulletin unique et la limitation des budgets de campagne, la Mauritanie aura réussi à faire des progrès inédits sur le plan de la fidélité au choix populaire, en Afrique et dans le monde musulman. Avant que ce processus ne soit couronné par l'élection d'un président de la République de mars 2007, des élections sénatoriales se tiendront en janvier. Ainsi, la période de transition prévue par les forces putschistes de deux ans sera abrégée de cinq mois. En confirmant que ni lui ni aucun membre de son cabinet ne pourra prétendre à la magistrature suprême, le colonel Ould Mohamed Vall fournit aux Mauritaniens un nouveau motif d'espérance démocratique. Si donc tout se passe comme annoncé, un pays pauvre aura mis en place, en dix-neuf mois, et grâce à son armée, un système d'institutions libres. Le régime militaire aura assumé son rôle historique dans la transparence et la lisibilité, malgré l'hostilité internationale, dont celle de l'Union africaine qui a appris à haïr les coups d'Etat, même si des putschistes vieux de plusieurs décennies peuplent encore ses sommets. Ce PMA, qui occupe la 152e place en termes de développement humain, aura ainsi rejoint le club fermé des démocraties en Afrique et dans le monde arabo-musulman. Bien sûr, en matière de développement politique, rien n'est acquis. Et les exemples sont nombreux, dans le tiers-monde, de ce syndrome de la régression qui vient régulièrement contrarier les progrès démocratiques des peuples du Sud. Le cas algérien n'est pas des moindres, où le sacrifice de dizaines de milliers de citoyens n'aura pas suffi à sauver les quelques conquêtes politiques transformées par le soulèvement d'Octobre 1988. Nous en sommes paradoxalement à célébrer une réconciliation nationale sous état d'urgence ! Une virtuelle “paix retrouvée” contre l'illusion perdue de la démocratie. Ce qui pousse encore plus à la prudence du pronostic, pour la Mauritanie, c'est qu'elle a commencé à produire et à exporter des hydrocarbures depuis… le 24 février 2006. Pour l'heure, malgré le surendettement du pays (25 milliards de dollars), le pouvoir actuel a décidé d'exclure les rentrées du budget de l'Etat pour que les futures autorités légitimes puissent décider de leur usage. Mais le danger est que cette providentielle manne vienne confirmer l'incompatibilité de la rente et de la démocratie. M. H. [email protected]