Un «conseil militaire pour la justice et la démocratie» dirigé par le colonel Ely Ould Mohammed Vall assume officiellement la responsabilité du putsch. Le voile s'est quelque peu levé hier sur les auteurs du putsch de mercredi à Nouakchott, lequel a déposé le président Mouawiya Ould Sid Ahmed Taya au pouvoir depuis 1984. Le putsch a eu lieu au moment où le président déchu se trouvait à Riyad où il prenait part aux obsèques du roi Fahd Ben Abdelaziz. Mercredi, quelques heures après le coup d'Etat, un «Conseil militaire pour la justice et la démocratie» (Cmjd) assumait le putsch et affirmait que «les Forces armées et de sécurité ont unanimement décidé de mettre fin aux pratiques totalitaires du régime dont notre peuple a tant souffert ces dernières années». Le Cmjd souligna par ailleurs que «ces pratiques ont engendré une dérive dangereuse pour l'avenir du pays. A cet effet, les forces armées et de sécurité ont décidé la mise en place d'un Conseil militaire pour la justice et la démocratie» et s'engagent à «créer les conditions favorables d'un jeu démocratique ouvert et transparent sur lequel la société civile et les acteurs politiques auront à se prononcer librement». Jeudi, le nouvel homme fort de Mauritanie s'est fait connaître en assumant la responsabilité du coup d'Etat perpétré mercredi. Il s'agit du colonel Ely Ould Mohammed Vall, directeur de la Sûreté nationale (police) qui réussit le coup avec l'appoint de la Garde républicaine, celle-là même qui mit en échec les précédentes tentatives de putsch contre le président Ould Sid Ahmed Taya. Jusqu'au putsch de mercredi, le colonel Ould Mohammed Vall, âgé d'une cinquantaine d'années, était regardé comme un proche du président déchu, qui, à ce titre, contribua à faire avorter les nombreuses tentatives de ces dernières années de faire tomber «l'autocrate» de Nouakchott. Selon les premières indications, le Cmjd serait fort de 17 membres dont seul le président, Ould Mohammed Vall, a pour le moment dévoilé son identité. Contrairement à ceux perpétrés en 2003 et en 2004, le putsch de mercredi s'est fait sans effusion de sang et l'on ne dénombrait ni mort ni blessé, selon les déclarations des hôpitaux de Nouakchott. Toutefois, des arrestations ont été faites, par le nouveau pouvoir, parmi des officiers supérieurs de l'armée dont le colonel El Arbi Ould Sidi Ali, chef d'état- major de l'armée. Le pays était calme hier et jeudi, la population était sortie saluer le nouveau pouvoir alors que les commerces et l'administration rouvraient leurs portes. Le Conseil militaire pour la justice et la démocratie, qui a demandé jeudi au gouvernement de poursuivre sa mission, a, en revanche, dissous le Parlement. Une source proche du nouveau pouvoir a indiqué que le Cmdj a demandé aux ministres et au Premier ministre Sghaïr Ould M'Bareck d'assurer la gestion des affaires courantes «pour le moment». De fait, tous les ministres étaient jeudi à leurs postes, ont constaté des témoins. Parallèlement le Cmjd a entamé jeudi des entretiens avec des ambassadeurs accrédités à Nouakchott dans l'optique d'expliquer les raisons du changement de pouvoir en Mauritanie. C'est ainsi que l'ambassadeur des Etats-Unis a été l'un des premiers à avoir été reçu par le nouveau pouvoir, ont annoncé les autorités officielles. Le colonel Ely Ould Mohamed Vall a également reçu au palais présidentiel les ambassadeurs des pays occidentaux, ainsi que ceux des pays africains et arabes. La communauté internationale a certes vivement condamné le coup d'Etat mais a semblé peu regretter l'éviction du dictateur mauritanien au pouvoir depuis plus de 20 ans étant, lui-même, arrivé à la tête du pays à la suite d'un putsch en 1984 qui déposa le président Khouna Ould Haidallah. La toute première à avoir condamné le putsch de Nouakchott a été l'Union africaine qui, désormais, n'accepte aucun pouvoir accédant aux affaires de l'Etat par la force. Réagissant rapidement, le Conseil de sécurité et de paix de l'Union africaine (CPS/UA), -qui s'est réuni juste après le sommet extraordinaire de l'UA sur la réforme de l'ONU, tenu mercredi à Addis Abeba-, a annoncé la suspension de la Mauritanie, indiquant que cette suspension serait «effective tant que l'ordre constitutionnel» ne sera pas de retour dans ce pays. Dans son communiqué, le CPS/UA indique qu' «à la lumière du coup d'Etat qui a eu lieu le 3 août (...), la participation de la Mauritanie à toutes les activités de l'UA doit être suspendue jusqu'au retour de l'ordre constitutionnel dans le pays». De son côté, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan a estimé que «les différends de nature politique devraient être réglés de manière pacifique à travers le processus démocratique». Par ailleurs, dans une déclaration du ministère russe des Affaires étrangères, Moscou exprime «son espoir que la situation sera résolue par la voie constitutionnelle, dans l'intérêt du peuple mauritanien et sans recours à la force». Il semble bien, toutefois, que la page Mouawiya Ould Sid Ahmed Taya soit aujourd'hui tournée comme le montre assez l'indifférence du peuple mauritanien après la chute de l'ex-homme fort du pays.