L'institution privilégie la transaction. Partie prenante incontournable dans le débat de l'heure ayant débouché sur les amendements de l'ordonnance portant contrôle des changes et mouvements des capitaux, les douanes algériennes passent à la vitesse supérieure pour revendiquer d'autres missions, voire prérogatives, et sollicitent une couverture politique à leur statut. Le message, semble-t-il, est passé, hier, à destination des députés représentant les deux commissions de l'APN, économique et financière, qui ont eu à visiter en profondeur l'une des institutions les plus controversées du pays. A la faveur des exposés et des débats, les parlementaires ont été interpellés pour un soutien conséquent, à travers une meilleure compréhension réglementaire et surtout sur la nécessité d'appuyer la mission protectrice de la douane par une dotation budgétaire à la hauteur des défis. Projetée aux devants de la scène économique, dans la perspective OMC, avec obligation de souplesse et coincée de par sa mission de protection de l'économie, la douane veut négocier son nouveau rôle en optant pour un code des douanes totalement relooké et en conformité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce. M. Ben Merad, directeur central, chargé du contentieux, insistera sur la nouveauté de cet outil qui devra être adopté prochainement. Celui-ci, mentionne-t-il, consacrera une foule de réaménagements allant dans le sens des facilitations des procédures douanières au bénéfice des opérateurs en des termes de “contractualisation des rapports”, notamment en ce qui concerne la gestion des entrepôts. La révision du code des douanes est appelée à stabiliser la législation douanière en introduisant l'approche de pérennité et de simplification des lectures réglementaires par effet de codification, souligne M. Ben Merad. Cela équivaut aussi à un signal sécurisant pour les investisseurs, relève-t-il. Toujours dans le registre des facilitations, la douane est décidée de se débarrasser de l'ancien réflexe administratif face à l'infraction. Désormais, il est prévu de privilégier, en cas d'infraction non dangereuse, le mode de la transaction en lieu et place des actions en justice et autre dépôt de plainte, économiquement “stériles”. D'autant que cette voie permettra assurément d'avoir des effets de compensation significatifs pour les recettes douanières que le démantèlement tarifaire dans le cadre de l'OMC est appelé à réduire considérablement. Actuellement, annoncent les intervenants, plus de “60% des contentieux ont été réglés par voie de transaction”, soulageant ainsi l'administration et les opérateurs des lenteurs des tribunaux. Par ailleurs, on admettra également la difficulté de faire passer ces facilitations, sans recourir à ce que les douaniers réclament comme assainissement sur l'ensemble de la sphère commerciale. A ce titre, on s'interroge déjà sur la portée réelle du nouvel arsenal juridique lié au contrôle des changes qui risque de ce heurter à la complexité du terrain import-export, du fait de la dislocation chronique des maillons de la chaîne. Le cas du NIS (Numéro d'identification statistique), introduit et renforcé par les différentes lois de finances comme verrou à la fraude, a finalement montré ses limites. Censé être un identifiant unique, servant à la retraçabilité pour le fisc, le commerce et la douane, le NIS, présenté comme l'ADN des affaires, a eu une portée restrictive, selon les douaniers qui expliquent que celui-ci “perd son utilité dès que l'opérateur change d'adresse”. Le Système informatique de la douane (le Sigad) est resté pour sa part boudé par les autres institutions impliquées dans la ligne du contrôle des changes. L'interconnexion réelle tarde à voir le jour en dépit de la gravité des phénomènes de fraude se nourrissant de brèches réglementaires, à défaut d'une soudure purement politique. Les députés l'auront-ils compris ? A. W. ORDONNANCE SUR LE CONTROLE DES CHANGES La nature des sanctions Le caractère répressif introduit par les amendements qui viennent d'être apportés à l'ordonnance relative au contrôle des changes est-il à même d'instaurer une nouvelle discipline sur la filière import-export. Les peines allant de 2 à 7 ans d'emprisonnement, en plus de la confiscation du corps du délit, comme stipulé, sont affichées pour prétendre remettre de l'ordre dans les affaires. L'infraction ou la tentative d'infraction au contrôle des changes peut aussi conduire son auteur à des interdictions de commerce et de domiciliation bancaire. Par le biais de l'article 9, les agents des finances (fisc, douanes) etc. ont été confortés dans leur mission de surveillance et d'action, puisqu'ils deviennent au sens des dispositions “habilités à prendre toutes les mesures en vue de garantir le recouvrement des pénalités encourues…” Au-dessous du seuil des 50 millions de DA, le Comité national des transactions, institué sous la présidence d'un représentant du président de la République, peut consentir le mode de la transaction au lieu du recours à la justice. Il est vrai que le texte, inspiré après l'étendue des dégâts portés à l'économie nationale dans les mouvements de marchandises et l'hémorragie de devises, se veut être une réponse réglementaire obligeant en premier lieu les opérateurs activant dans le commerce extérieur à s'inscrire dans un climat de parfaite transparence sous peine de se voir rigoureusement réprimés. L'article 2 du texte définit les infractions allant de la fausse déclaration à l'inobservation des obligations de déclaration et de défaut de rapatriement. Par fausse déclaration, on entend la minoration de valeur sur les factures, notamment à l'import, qui a fait office non seulement d'un gisement de manque à gagner fiscal et douanier, mais elle a aussi été à l'origine d'une vaste opération de concurrence déloyale. A ce titre, même si les douanes ont participé à la mise en œuvre de cette nouveauté réglementaire, elles sont de ce fait interpellées, à l'instar des banques et des transitaires, à occuper désormais cette mission de surveillance comme exécutantes. Dans le même ordre, les opérateurs sont tenus pour leur part d'assumer leurs responsabilités en matière de déclarations sur les factures. Le climat répressif introduit pourrait à terme déboucher sur une décantation dans les rangs des importateurs où seul le professionnalisme s'exprimera. Pour leur part, les banques sont invitées implicitement à dénoncer tout dérapage sur ce chapitre et à le signaler à l'autorité monétaire, en l'occurrence la Banque d'Algérie, garante du contrôle des changes. Le respect des délais liés à l'apaisement de tels dossiers suspects retrouvera ainsi sa signification pour les besoins des enquêtes nécessaires. Quant au défaut de rapatriement des devises, il intéresse la filière export qui a, dans plusieurs cas, été marquée par des opérations de sortie de marchandises sans retour de devises perceptibles sur la balance commerciale du pays. Par le biais toujours de la minoration des valeurs, des opérateurs ont réussi, confortés par des domiciliations bancaires et l'impuissance douanière, à s'engouffrer réglementairement, à exporter sans rapatrier les fonds et à échapper avec aisance aux filets des textes. Des sommes faramineuses en devises échappant aux circuits bancaires ont ainsi alimenté les marchés parallèles de la devise sans aucun dividende économique pour le pays. Par ailleurs, ce que l'amendement omet de préciser concerne le délais de 120 jours accordé pour assurer le rapatriement. Omission ou simple erreur ? En tout cas, les douanes n'ont eu de cesse de dénoncer l'étendue de ces délais, jugés favorables à la fraude. En fin de compte, l'ordonnance promulguée reste incomplète au regard de la réalité, si le manque de coordination entre les institutions demeure entretenu. Il aurait été plus opportun d'apporter des verrous techniques à ces manœuvres de fraude, tels que le recours à des systèmes de paiement bancaire sécurisants, universellement reconnus, à l'image de la lettre de crédit pour l'export, imperméable au défaut de rapatriement ou la responsabilisation du banquier, face à une sous-facturation à l'import. Sans une véritable maîtrise du registre du commerce et un système d'identification réel des opérateurs, les textes restent vulnérables quel que soit leur niveau de répression. A. W. Trafic de cigarettes Saisie de 22 000 cartons Dans la nuit du 15 au 16 de ce mois, la brigade mobile des douanes à Adrar a intercepté 22 000 cartons de cigarettes destinées à la contrebande. L'opération a permis aussi la saisie de 7 véhicules de marque Toyota et l'arrestation de 7 personnes impliquées dans ce trafic. C'est ce qu'a annoncé, hier, M. Slimani, directeur de la communication des douanes, soulignant que la valeur de la marchandise saisie est évaluée à 5 milliards de centimes. A. W.