“Politique préventive pour une prise en charge de la délinquance juvénile.” C'est le thème d'une journée d'étude organisée, hier, au siège du groupement de la gendarmerie d'Alger et au cours de laquelle les trois cellules d'écoute et de prévention de la délinquance juvénile d'Alger, Oran et Annaba ont présenté leurs bilans d'activité depuis leur création en mars 2005. Le constat, d'une manière générale, est le même : la délinquance juvénile est le berceau de diverses formes de criminalité. “Le jeune délinquant mal pris en charge est notre futur client adulte”, dira d'emblée l'animateur de cette journée d'étude, le commandant Demène-Debbih, spécialiste en criminologie. De 1998 à 2003, les statistiques considèrent que 55% des mineurs arrêtés ont commis des actes d'agression et de violence contre 45% de victimes. Pour l'année 2005, les chiffres sont encore plus effarants (83% contre 17%). Et c'est dans ce cadre que le commandement de la Gendarmerie nationale a créé, en vue d'une politique préventive, des cellules de prévention de la délinquance juvénile et à titre expérimental dans les trois grandes wilayas citées, en attendant la création future d'autres cellules au niveau de 15 wilayas. Le commandant Demène-Debbih précise que ces cellules sont chargées de deux types d'action : police judiciaire favorisant le principe du jeune mineur comme victime avant de le considérer comme criminel, et préventive basée sur la resocialisation, la prise en charge multidisciplinaire et le travail en réseau. Le but principal est de détourner les jeunes délinquants de la récidive. Sur le plan de la recherche scientifique, le traitement de la criminalité se fait sur deux niveaux, à savoir, d'une part, le travail répressif des unités opérationnelles qui est accompagné par la recherche et les études empiriques sur les phénomènes criminels et l'établissement d'un diagnostic à même de permettre l'identification des facteurs majeurs de la délinquance et victimisation juvénile. “Nous ne sommes pas seuls au niveau national et international (coopération, participation aux séminaires et conférences). Le traitement efficace de la délinquance et victimisation juvénile est un travail en réseau”, dira le conférencier. Une étude menée par les Nations unies sur la violence à l'égard des enfants est plutôt pessimiste. 275 millions d'enfants sont témoins chaque année d'actes de violence au foyer. En Algérie, d'autres chiffres aussi alarmants : 6 092 enfants de moins de 16 ans ont subi en 2004 des agressions sexuelles, 3 526 victimes des violences physiques dans leur environnement extérieur ou familial, 168 kidnappés, et 82 victimes d'incestes commis par des membres de leur famille. “Hélas, ces chiffres ne reflètent pas la réalité car on peut penser au double ou au triple. On est devant le chiffre dit noir”, confie le capitaine Souidi Boucif. En 2005, 13 558 infractions ont été commises par des mineurs dont la moitié environ par des enfants dont l'âge varie entre 13 et 16 ans. De ce chiffre, on compte un tiers mis en détention provisoire, 11 200 en liberté provisoire et 800 orientés vers des établissements spécialisés. Durant les 11 premiers mois de l'année en cours, on dénombre 547 mineurs sur un total de 7 058 victimes de violences criminelles (279 coups et blessures volontaires avec arme blanche). Parallèlement, et pour la même période, on enregistre 2 759 arrestations parmi les mineurs sur un total de 43 851 personnes, dont 437 coups et blessures volontaires avec arme blanche, 224 pour vol commis dans les véhicules particuliers et 220 pour association de malfaiteurs et vol qualifié. Depuis leur installation en mars 2005, les trois cellules de prévention de la délinquance juvénile ont eu à intervenir dans 911 opérations dont 377 à Alger, 342 à Oran et 192 à Annaba. Dans une étude faite sur le terrain, la cellule d'Alger a enregistré de mars 2005 à novembre 2006 sur 500 questionnaires remis à des collégiens et lycéens, dont l'âge se situe entre 13 et 18 ans, que 45% des élèves consomment de la drogue, dont 12% à l'intérieur même des établissements scolaires. Sur les raisons qui les ont amenés à la consommation de la drogue, 39% expliquent que c'est pour des problèmes familiaux, 26% à la situation que traverse le pays, 35% au chômage et l'oisiveté. Ali Farès