Comme à chaque hiver, à chaque chute de pluie, l'inquiétude s'empare de milliers de familles oranaises qui vivent dans ce que les autorités locales appellent "vieux bâti". Cette année encore ne déroge pas à la règle. Les précipitations de ces derniers jours ont provoqué plusieurs effondrements partiels, alors que la Protection civile avait déjà, pour sa part, enregistré, de janvier à novembre 2006, 82 effondrements. Par le passé, il y a eu mort d'homme lors d'effondrement de vieux immeubles, c'est pour cela que les familles concernées craignent de devenir, à leur tour, un fait divers ou des statistiques morbides. Il y a quelques jours à peine d'ailleurs, des familles vivant dans des maisons délabrées installées dans le ravin de Ras El Aïn ont manifesté devant le siège de la daïra, réclamant que leur soit attribué dans les plus brefs délais un logement, d'autant plus que ces familles sont concernées par une opération de relogement à cause du tracé d'une route qui doit relier le port. L'expropriation est retardée depuis des années, le recensement des familles devant être expropriées posant problème ainsi que celui de l'indemnité. Mais aujourd'hui, avec les fortes précipitations qu'a connues la ville d'Oran, les eaux pluviales charriant de la boue et autres détritus ont envahi ces maisons. Les occupants ont dû leur salut que dans la fuite. La rue a été leur seule refuge. D'autres familles éparpillées dans plusieurs quartiers de la ville se trouvent aussi à la rue, parfois sous une tente, avec femmes et enfants. C'était le cas très récemment d'une famille vivant dans un ancien hôtel du quartier Plateau et qui a vu des effondrements partiels de murs et de plafonds se produire à maintes reprises. Des situations similaires sont vécues dans la plupart des quartiers anciens d'Oran (Sid El Houari, Derb, Plateau, Bel Air…). Des mères et des pères de famille nous ont raconté leur véritable angoisse, passer des nuits à surveiller, guetter le moindre craquement qui se produirait dans les murs. Les responsables locaux, à chaque fois qu'ils abordent ce problème, font référence aux faux “sinistrés, faux demandeurs qui essaient de profiter pour obtenir de l'Etat un logement”. Il faut dire que la seconde ville d'Algérie connaît plus que partout ailleurs un cadre bâti ancien, vétuste et qui continue d'année en année à se détériorer, faute de prise en charge et de mise en place d'une politique de réhabilitation et de rénovation. Les chiffres fournis par les pouvoirs publics en disent long sur cette catastrophe latente. En effet, il existerait à Oran pas moins de 1 990 immeubles menaçant ruine, dont 1 569 relevant du patrimoine de l'Etat. Le nombre de logements concernés est de 15 903 et presque autant de familles et d'occupants. Divers programmes pour s'attaquer à ce fléau, comme la rénovation urbaine, sont, d'année en année, annoncés. Une attente qui, pour les familles, devient de plus en plus insupportable à vivre. F. BOUMEDIENE