La guerre est là. Peut-être a-t-elle débuté au moment où vous lisez cette chronique. Peut-être commencera-t-elle sous peu. Elle est déjà là, avec son cortège de destructions et de souffrances, avec ses inévitables conséquences et ses imprévisibles contrecoups. L'actualité parallèle sera, le temps d'un affrontement, réduite à un statut dérisoire. Pas seulement parce que des vies humaines sont en jeu, mais parce que les humains ont conservé une passion millénaire pour la bataille. Longtemps après la préhistoire, se battre est encore ce qu'ils ont de plus essentiel à faire. L'Histoire n'a donc pas abordé sa fin, comme certains sont allés le prédire à la chute du mur de Berlin et au commencement de la mondialisation. On croyait aux vertus fédératrices du processus parce qu'il a des prétentions uniformisatrices. Cette nouvelle aventure sera durablement féconde d'enseignements, même si parmi leurs activités, c'est de la guerre que les hommes oublient le plus les leçons. Aventure inédite en effet : c'est la première guerre “préventive” sur terre. Jusqu'ici, la stratégie imposait de s'armer au moins aussi fortement que l'ennemi potentiel pour qu'un simple calcul suffise à le dissuader d'une possible agression. Mais l'on sait que dans ce cas-ci, il n'y a pas que la “prévention”. Il y a comme un côté expédition punitive qui engage personnellement le président Bush contre Saddam. Un Saddam qui a chèrement fait payer sa domination à son peuple et qui semble prêt à lui faire payer sa survie politique par les atrocités d'une guerre contre une superpuissante coalition. Aventureuse expédition contre un régime aventureux qui n'a épargné ni ses voisins, ni ses minorités, ni son peuple. Malheureux peuple qui doit subir une guerre par le fait d'un despote qui l'opprime et d'un césar qui l'envahit. Malgré le côté embarrassant de l'affrontement entre un empereur omnipotent et convaincu, de manière quasi mystique, du bien-fondé de sa brutale intervention et un autocrate sanguinaire impénitent, l'opinion internationale a tranché pour la paix pour ce qu'elle épargne de douleurs à une population jusqu'ici déjà très éprouvée. La démonstration est faite : ce n'est pas l'opinion — même mondiale — qui fait le monde. Un consensus entre trois chefs d'Etats puissants suffit à orienter la marche de la planète. La question du développement durable a déjà fait la preuve de cet état de fait ; la crise du Golfe le confirme. Il n'y a pas que les Irakiens à pâtir de l'expédition américaine. Pour un temps dont on ignore encore l'importance, ce conflit remisera au niveau accessoire des affrontements meurtriers qui éprouvent d'autres peuples, en Palestine et en Tchétchénie, notamment. L'Histoire continue donc. Faite d'affrontements. Naturellement. M. H.