Le Premier ministre français, Dominique de Villepin, sera entendu aujourd'hui par deux juges lors d'une audition exceptionnelle dans le cadre de l'affaire Clearstream, un scandale qui a ébranlé le sommet de l'Etat français et mis en évidence son intense rivalité avec Nicolas Sarkozy. Il est convoqué en tant que “simple témoin”, statut signifiant qu'aucune charge n'est retenue à ce stade contre lui. Mais son implication dans cette affaire politico-judiciaire, qui comporte toujours d'importantes zones d'ombre, a contribué à le fragiliser et à l'écarter de la course à l'élection présidentielle du printemps prochain. Il répondra, probablement durant plusieurs heures, aux questions des juges d'instruction qui enquêtent d'arrache-pied, depuis des mois, sur l'origine de listings truqués de l'institution financière luxembourgeoise, Clearstream. Ces faux listings ont permis d'accuser de hautes personnalités du monde politique et économique d'avoir touché d'énormes pots-de-vin lors de la vente de frégates à Taïwan en 1991, dossier qui a abouti à plusieurs inculpations et peines d'emprisonnement dans ce pays mais bute en France contre le secret défense. Parmi les personnes mises en cause se trouvait le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, désormais candidat à l'élection présidentielle, qui a été entendu en mai dernier après avoir déposé plainte dans cette affaire, dans laquelle il se dit être la principale victime. Il a publiquement promis d'en démasquer les instigateurs et son entourage a, pendant un temps, pointé du doigt M. de Villepin. L'audition par la justice d'un Premier ministre en exercice — précédée de celle de la ministre de la Défense, Michelle Alliot-Marie — est un événement exceptionnel en France : elle ne connaît qu'un précédent récent, lorsque le socialiste Lionel Jospin avait été entendu pour une affaire de financement illégal de son parti au début des années 1990.