L'ancien Premier ministre français Dominique de Villepin a été inculpé hier pour “complicité de dénonciation calomnieuse” dans l'affaire Clearstream, un vaste scandale politico-financier qui a notamment visé Nicolas Sarkozy. Entendu durant 50 minutes par les juges qui instruisent ce dossier devenu une affaire d'Etat, M. de Villepin a été mis en examen (inculpé) pour “complicité de dénonciation calomnieuse, recel de vol et d'abus de confiance, complicité d'usage de faux”, a annoncé un de ses avocats. “Je tiens à redire qu'à aucun moment je n'ai demandé d'enquête sur des personnalités politiques, qu'à aucun moment je n'ai participé à une quelconque manœuvre politique”, s'est aussitôt défendu devant la presse l'ancien chef du gouvernement français. Il était arrivé en milieu de matinée devant une nuée de caméras au pôle financier du tribunal de Paris, où il avait été convoqué par les juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons qui cherchent à démêler les fils de cette machination politique. M. Sarkozy estime avoir été victime d'une cabale destinée à torpiller sa carrière et n'a pas caché ses soupçons à l'égard de M. de Villepin, son rival à droite longtemps présenté comme le dauphin de Jacques Chirac. Ecarté de la course à la présidence par son parti, l'UMP, M. de Villepin s'est éloigné de la scène politique depuis l'élection triomphale en mai de Nicolas Sarkozy. Il était rentré de vacances à Tahiti pour se rendre à la convocation des juges. L'affaire Clearstream, qui remonte à 2004, avait pour but de discréditer plusieurs personnalités censées avoir touché des pots-de-vin, via la société de compensation luxembourgeoise Clearstream, à l'occasion de la vente de frégates françaises à Taïwan. Le nom de M. Sarkozy est apparu en cours de route sur ces documents trafiqués. Longtemps homme de l'ombre du président Chirac avant de devenir chef de la diplomatie, ministre de l'Intérieur puis Premier ministre en 2005, M. de Villepin a été mis en cause par plusieurs protagonistes de l'affaire. Il semble acquis qu'il ait commandité des enquêtes parallèles, hors de tout cadre judiciaire. Il aurait aussi poussé le “corbeau”, son ami Jean-Louis Gergorin, ancien vice-président du groupe EADS, à adresser anonymement les listings à la justice pour que les “coupables” soient démasqués. Mais il reste à ce stade deux interrogations essentielles pour déterminer le degré de responsabilité de M. de Villepin : était-il au courant que les listings étaient trafiqués et, si oui, a-t-il encouragé d'une manière ou d'une autre l'introduction du nom de M. Sarkozy ? L'ex-Premier ministre a toujours nié, de son côté, le moindre comportement illégal, expliquant en substance qu'il était de son devoir d'aider à démasquer d'éventuels comportements délictueux de la part de hautes personnalités du monde politique ou économique. Il avait déjà été entendu pendant 17 heures par les juges, en décembre dernier, et semblait alors avoir été mis hors de cause. Mais la découverte, fin juin, de notes informatiques du général Philippe Rondot, un haut responsable du renseignement auquel M. de Villepin avait secrètement demandé d'enquêter, a relancé le dossier de manière spectaculaire. Les deux juges avaient alors mené des perquisitions au domicile et dans des bureaux de M. de Villepin avant de convoquer l'ex-chef du gouvernement. M. Chirac, dont le nom apparaît également dans les notes du général Rondot, a fait savoir, le 22 juin, qu'il ne témoignerait pas devant la justice “sur des faits accomplis ou connus durant son mandat” (1995-2007), au nom de son immunité présidentielle. R. I./Agences