Le citoyen est confronté à un véritable dilemme : respecter la tradition sacrée et s'endetter, ou faillir à la règle car ne pouvant assumer les conséquences d'une dépense aussi élevée. La wilaya de Djelfa recèle le patrimoine ovin le plus riche et le plus diversifié du pays. Elle compte, à elle seule, plus de 5 millions des 18 millions de têtes ovines qui peuplent une surface globale de 32 millions d'hectares constituant le territoire steppique. Néanmoins, si à l'approche de chaque fête de l'Aïd el-Kébir, le cheptel devient l'otage des spéculateurs de tous genres, cette année, d'autres facteurs sont entrés en jeu et ont changé la donne. Ainsi, au faible taux de pluviosité enregistré au niveau national, s'est ajouté le contentieux banques-ministère de l'Agriculture qui pénalise les éleveurs depuis bientôt une année, en gelant les prêts initiés par le programme du FNDRA (Fonds national pour le développement rural et agricole). À cet effet, une simple virée dans le marché hebdomadaire du chef-lieu de wilaya renseigne, on ne peut mieux, sur la réalité. Le marché regorge des plus belles races de moutons qui font l'honneur de toute la région, dont celles des Ouled Djellal et El-Hamra, pour reprendre le jargon du terroir. Les prix des précieuses bêtes ont soudainement flambé. Sentant approcher la fête sacrée, les éleveurs ne veulent pas lâcher du lest et décident plutôt de revoir leurs tarifs à la hausse. Ainsi, et à titre indicatif, les moutons cédés, il y a quelques jours de cela, entre 16 000 et 18 000 dinars se sont vendus ces derniers jours à des prix dépassant les 20 000 DA, avoisinant les 23 000 dinars. Même son de cloche du côté de Birine, réputée pour être la plaque tournante du marché du bétail et une référence indiscutable qui confirme cette tendance à la hausse des prix de ces animaux objets de tant d'animation et de convoitises. Ainsi, les quelques paysans et autres curieux venus s'enquérir du cours ont dû constater de visu cette montée vertigineuse des prix et cette différence conséquente allant de 4 000 à 5 000 dinars sur les tarifs appliqués au mois de novembre passé. Cependant, et contrairement à l'année dernière, les meilleures bêtes sont cédées à 25 000 ou 26 000 dinars. Les quelques éleveurs interrogés ont expliqué cette hausse spectaculaire par “le manque de fourrage dû à la sécheresse et à la cherté de l'aliment de bétail”. En effet, les produits de base à l'alimentation du cheptel, à savoir l'orge et la “finition” préparée à base de maïs, ont connu une augmentation sensible variant entre 400 et 700 dinars. À cet état de fait s'ajoutent, selon nos interlocuteurs, “les différentes dépenses relatives à l'approvisionnement en eau, le paiement du pacage, ainsi que les frais inhérents aux soins”. À ce sujet, rappelons aussi les différentes campagnes de vaccination contre la brucellose et le vent de panique qui a soufflé suite à l'apparition de la maladie de la langue bleue qui n'a, heureusement, pas nécessité un traitement spécifique. Le citoyen, quant à lui, est confronté à un véritable dilemme : respecter la tradition sacrée et s'endetter, ou faillir à la règle car ne pouvant assumer les conséquences d'une dépense aussi élevée. Un fonctionnaire abordé à ce sujet nous dira : “Je voudrais bien observer ce rituel, mais mon maigre salaire me permet à peine de subvenir aux premiers besoins de ma famille.” Néanmoins, beaucoup de citoyens de la région trouvent un palliatif à cette situation en se tournant vers l'abattage des brebis ou du cheptel caprin plus accessible aux petites bourses. S. OUAHMED