Pour l'heure, Abdelaziz Belkhadem, pour sa fidélité jamais démentie au chef de l'Etat, est le favori des pronostics pour ce poste prestigieux. Le président de la République, selon des indiscrétions, va dévoiler dans le discours qu'il prononcera aujourd'hui devant les cadres de la nation, les grandes lignes de son projet de révision constitutionnelle. Une des dispositions phare de cette nouvelle Constitution, sur laquelle les Algériens sont appelés à se prononcer, vraisemblablement le 22 février prochain, sera la vice-présidence. Un poste au demeurant inédit dans la tradition politique algérienne que le président Bouteflika, adepte d'un régime présidentiel fort, veut mettre en place pour parer à d'éventuelles contingences qui, dans un passé encore récent, avaient fait planer des incertitudes sur la stabilité des institutions de l'Etat. Comme dans le système américain, pour lequel Abdelaziz Bouteflika semble avoir une préférence, la désignation du vice-président sera du ressort du chef de l'Etat. Mais d'ores et déjà, des noms de personnalités politiques sont avancés par les bookmakers de l'échiquier politique national pour occuper cette nouvelle fonction, synonyme de rampe de lancement pour son titulaire vers un destin présidentiel. Abdelaziz Belkhadem, qui a en ce moment les faveurs des pronostics, semble bien tenir la corde. À son crédit, plusieurs arguments qui font qu'aujourd'hui il est considéré comme l'homme de confiance du Président, voire son âme damnée, qui n'a pas à se battre pour lui. Il aura été l'homme orchestre, en compagnie du groupe des redresseurs, qui a ramené le FLN dans le giron de la présidence de la République. Pour cela, il a livré une bataille politico-juridique homérique à Ali Benflis et ses hommes, qui avaient fait main basse sur les structures organiques du parti, à la faveur du congrès de mars 2001 où même le portrait de Bouteflika était décroché du mur de la salle de réunion à El-Aurassi. En réussissant cette opération commando de mise au pas contre Benflis, qui se prévalait pourtant de “gros” appuis, Belkhadem a gagné définitivement la confiance de Bouteflika, à qui il a offert la présidence d'honneur du FLN, après l'avoir bien redressé. À la tête de l'ex-parti unique, il reprendra à son compte la politique de réconciliation, l'un des chantiers phare du Président. Et ce dernier de lui renvoyer l'ascenseur en mai 2006, en le nommant, un peu à la surprise des observateurs, Chef de gouvernement, à la place de Ahmed Ouyahia. Si sa désignation à la tête de l'Exécutif paraissait au départ un peu baroque, Belkhadem s'est attaché à montrer qu'il en a les ressorts. Cela en déminant le front social, à travers les augmentations des salaires, que son prédécesseur considérait comme “légitimes mais injustifiées”. Un acte politique fort qui lui permet de bien étrenner sa nouvelle fonction de “coordinateur de l'Exécutif”, comme se plaît-il à le clamer avec modestie. Après avoir arraché cette augmentation des salaires, avec la bénédiction du Président, Belkhadem s'est attaqué aussi à des dossiers techniques, comme la privatisation, les investissements, lui qui est d'abord un personnage marqué idéologiquement. L'autre argument, qui milite en sa faveur pour être le futur numéro deux dans le système, est le fait qu'il incarne aujourd'hui la tendance islamo-conservatrice, majoritaire dans la société. Son éventuel choix pourrait être également un message à nos partenaires étrangers pour qui il serait une sorte de Erdogan à l'algérienne. L'autre personnage qui pourrait prétendre à la vice-présidence, c'est Ahmed Ouyahia, dont le nom avait souvent été accolé à cette nouvelle charge, au moment où il était encore aux affaires. “Commis de l'Etat” comme il l'a toujours proclamé avec une certaine fierté et pur produit de l'école algérienne, dans ce qu'elle a donné de meilleur, le patron du RND, a acquis au fil des années de gestion qu'il a assumée, et pendant les pires moments que l'Algérie a vécus, une expérience qui lui confère aujourd'hui l'étoffe d'un homme d'Etat. Homme de décisions, parfois impopulaires, pragmatique, il a toujours placé ses ambitions personnelles sous les servitudes des obligations étatiques. On dit cependant que les équilibres au sommet du pouvoir ne sont pas en sa faveur. Mais, par-delà cette donnée fondamentale, Ouyahia ne s'est pas montré particulièrement enthousiaste pour le projet de révision constitutionnelle. Pas plus d'ailleurs qu'il n'a plaidé pour un régime présidentiel fort, à l'américaine. “Nous n'avons pas la culture américaine et dans le régime américain, la Chambre des représentants peut bloquer le président de la République”, avait-il fait valoir, à l'appui de son penchant pour un régime semi-présidentiel. Ahmed Ouyahia, bien qu'il ait pris, mais en y allant d'un pied, le train de la réconciliation, reste perçu dans l'opinion, ainsi que dans la sphère politique, comme un éradicateur. Un trait de son personnage que ses contempteurs accentuent à dessein pour faire barrage à son retour. Abou Djerra Soltani, partenaire de Belkhadem et d'Ouyahia dans la coalition présidentielle, nourrit lui aussi des ambitions nationales. Ce qui lui permet, pourquoi pas, de briguer le poste de vice-président. Ce qui, dans la conjoncture historique actuelle, relève plus d'une hypothèse d'école, que d'une probable perspective. Mis à part ces deux hommes, on a évoqué un moment dans la presse, la piste Lakhdar Brahimi, que le concerné avait d'ailleurs vite fait de démentir, déclarant qu'il n'était intéressé par aucune fonction officielle. Cela étant, le pouvoir dans notre pays nous a habitués à des surprises renversantes. À partir de là, le futur vice-président pourrait être, une personnalité du sérail, c'est sûr. Mais celle à qui personne ne pensera. Sauf Bouteflika. N. Sebti