Le porte-parole de l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), Djilali Hadjadj, médecin spécialiste de formation et journaliste, est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Corruption et démocratie en Algérie, ainsi que de nombreux articles publiés dans des revues spécialisées internationales. Liberté : L'AACC a participé à la 1re Conférence des Etats-parties de la Convention des Nations unies contre la corruption. Quels sont les résultats de la réunion ? Djilali Hadjadj : Les résultats de cette 1re Conférence, qui s'est tenue du 10 au 14 décembre 2006 en Jordanie, sont très en deçà de ce que nous espérions : il n'y a pas eu consensus sur les principales missions de la Conférence des Etats-parties. Des pays, notamment l'Algérie, le Nigeria, l'Egypte, l'Inde et le Pakistan, ont exprimé leur opposition à la définition des mécanismes d'évaluation de l'application de la Convention. Ils refusent des évaluations “extérieures” et contestent le droit de regard de l'ONU sur l'affectation et l'utilisation des avoirs de la corruption récupérés à l'étranger. L'autre divergence porte sur le rôle et l'implication de la société civile. Toutes ces questions seront de nouveau abordées lors de la 2e session qui aura lieu cette année en Indonésie. Où en est votre collaboration avec les pouvoirs publics ? Dès la création de l'association en 1999, des contacts ont été établis avec les pouvoirs publics à un haut niveau, mais ils ont été informels et épisodiques. Nous n'avons été reçus qu'une seule fois, en 1999, par un chargé d'études à la chefferie du gouvernement. Il a fallu attendre le 13 décembre 2006, pour que l'AACC soit reçue en même temps que la présidente de TI, par le président du Conseil national économique et social. Ce dernier a d'ailleurs rendu public un communiqué, où il fait part de la volonté du Cnes de mettre en place un partenariat en matière de coopération internationale et de développement de l'expertise, où seraient associés notamment TI et l'AACC et où figurent déjà les représentants de la Banque mondiale. Quel regard portez-vous sur le procès du groupe Khalifa ? L'AACC avait déjà évoqué cette affaire dans le rapport mondial sur la corruption de TI, dans ses éditions de 2004 et de 2006. Nous suivons avec beaucoup d'intérêt le procès, grâce à nos représentants présents sur place et à travers les médias. C'est une bonne chose que ce procès commence enfin, mais il y a trop de zones d'ombre, trop de personnes concernées en fuite ou qui ont décidé de ne pas répondre à la convocation des juges, trop de personnes qui n'ont pas été convoquées par les juges, trop de hauts fonctionnaires concernés ou impliqués ayant un statut de simple témoin, etc. Un semblant de coopération algéro-britannique à propos de l'hypothétique extradition de Khelifa, qui se limite à des intentions, alors que le dossier du recouvrement des avoirs-fuite de capitaux, n'est même pas évoqué entre les deux pays. Il y a visiblement une très épaisse ligne jaune à ne pas franchir... La corruption représente-t-elle un grave danger pour l'avenir des Etats, notamment l'avenir de la cohésion nationale des pays en développement ? Tout à fait ! Mais ce danger menace aussi de plus en plus sérieusement les pays riches développés : l'actualité internationale de ces derniers mois foisonne de scandales de grande corruption, impliquant des multinationales et où les gouvernements de ces pays sont de plus en plus permissifs, quand ils ne sont pas complices de ces pratiques. L'ampleur de ce danger hypothèque le devenir des conventions internationales contre la corruption, comme celle de 1997 de l'OCDE, pénalisant la corruption de fonctionnaires étrangers dans les transactions commerciales internationales, et aussi celle des Nations unies de 2003. L'importance de la coopération internationale est essentielle pour contrer ce danger, coopération difficile à mettre en place. Propos recueillis par H. A.