Chelsea a renvoyé, ce week-end, une image de fin de règne, celui de son entraîneur Jose Mourinho, dans une ambiance de conflits entre coteries qui augure mal de la défense du titre de champion d'Angleterre. Avant le revers à Liverpool (0-2), Chelsea n'avait plus perdu depuis quatorze matches et les Blues restent le principal obstacle à un couronnement de Manchester United. Mais à Anfield Road, ils ont dégagé une terrible impression de résignation. Les intrigues, au sein d'un club devenu une cour des Médicis du pauvre, rejaillissent sur les joueurs, comment en témoignent le coup franc burlesque joué par Didier Drogba pour Michael Ballack, qui ne regardait pas, ou Arjen Robben jetant son maillot après son remplacement précoce. Adepte de la mimique grimaçante et de la pantomime désarticulée, le Portugais est cette fois resté stoïque sur le bord de touche, mains dans les poches, regardant ses joueurs devenus pantins se faire étriper, et écoutant les “Bye, Bye, Mourinho” d'Anfield Road. Il a pris une posture qui lui était étrangère : le défaitisme, l'apitoiement sur soi et la critique de ses joueurs. “Je ne suis pas un magicien. Et avec l'équipe que j'avais, j'espérais juste ne pas prendre de buts dans les 20 premières minutes pour donner de la confiance aux joueurs.” Revenant sur les réticences de ses dirigeants à accéder à sa demande de recrues, notamment pour pallier l'absence de John Terry derrière, Mourinho, guère habitué à voir Roman Abramovitch fermer le robinet à millions, pleurniche : “On ne me laisse jamais faire ce que je veux !” Voilà ce que le directeur exécutif, Peter Kenyon, décrit comme une “tension saine” ou des “différences de points de vue”. “Il y a des joueurs dont la personnalité convient aux moments difficiles, à la bagarre, à l'effort requis. Et puis il y a des personnalités faibles”, a poursuivi Mourinho. Revenait alors l'image du Portugais donnant, samedi, l'accolade à ses joueurs, à une exception près : Andreï Shevchenko. L'accident industriel de 180 000 euros hebdomadaires, dont Kenyon a reconnu ce week-end qu'il était une idée du patron, n'a même pas eu l'aumône d'un regard. L'absence d'Abramovitch à Anfield Road a renforcé les spéculations sur le point de non-retour qu'auraient atteint ses relations avec son entraîneur. Un “Yalta” de la réconciliation cette semaine aurait été annulé, selon le Sun. Soutenu quand il évoquait une collusion imaginaire entre l'arbitre Anders Frisk et l'entraîneur de Barcelone Frank Rijkaard, ou lorsqu'il avait faussement accusé Reading de négligence dans la prise en charge de son gardien Petr Cech blessé, Mourinho a commis l'irréparable aux yeux de son patron : le lèse-Abramovitch, en récriminant contre le veto au recrutement ou en affichant sa défiance envers Shevchenko, le favori du prince. Après avoir joué les entremetteurs, Kenyon ne fait plus beaucoup d'effort pour démentir un départ de Stamford Bridge de Mourinho en fin de saison. À la question de savoir si l'entraîneur serait encore là en juillet, il a répondu dimanche : “Pourquoi pas ?” S'il perd Mourinho, Chelsea perdra un grand entraîneur mais aussi la confiance de joueurs importants qui lui sont indéfectiblement attachés, comme Terry, Didier Drogba ou Frank Lampard. Le milieu a d'ailleurs démenti, lundi, l'affirmation de Kenyon selon laquelle sa prolongation de contrat était en bonne voie. En cas de divorce consommé, le fidèle lieutenant suivra sans doute son mentor.