La candidate du Parti socialiste à la présidentielle française, Ségolène Royal, a qualifié la colonisation de “système de domination, de spoliation et d'humiliation” dans un message adressé hier au président Abdelaziz Bouteflika. “La France, qui a l'ambition de porter un message universel, se doit de regarder son histoire en face, même s'il s'agit de ses pages les plus sombres, comme la colonisation dont j'ai dit à plusieurs reprises qu'il s'agissait d'un système de domination, de spoliation et d'humiliation”, a affirmé Mme Royal dans ce message remis à Bouteflika par son conseiller spécial Jack Lang. La candidate socialiste a ajouté qu'elle souhaitait que les rapports entre la France et l'Algérie soient une “référence dans les relations entre le Nord et le Sud”. La femme la plus populaire de l'Hexagone s'est également engagée à faire sa “priorité” du renforcement des relations entre l'Algérie et la France. “Ma priorité, si je suis élue, sera de jeter les bases, avec vous, d'une relation renforcée entre nos deux pays, car mon sentiment profond est que nous pouvons résolument passer à une dimension supérieure dans les liens de coopération qui nous unissent.” Elle a également souligné que la relation entre la France et l'Algérie “faite d'intimité, doit se développer dans la confiance et être soudée par l'amitié”. La candidate socialiste a également estimé “fondamental” que Paris et Alger “puissent élaborer ensemble une restitution de l'histoire qui tienne compte de notre histoire partagée”. La controverse sur le passé colonial de la France en Algérie a empêché la signature d'un traité d'amitié devant sceller une réconciliation définitive entre la France et l'Algérie. Alger réclame des excuses à Paris pour les crimes commis en Algérie pendant la période coloniale (1830-1962), avant de signer ce traité voulu par les présidents Jacques Chirac et Bouteflika. La signature de ce traité, prévue fin 2005, a été reportée sine die en raison de la polémique suscitée par la loi votée le 23 février 2005 par le Parlement français, dont l'article “04” par la suite abrogé à l'initiative de Jacques Chirac, faisait référence au “rôle positif” de la colonisation. La candidate socialiste, dont le parti a milité pour l'abrogation de cette loi, a affirmé dans son message “reconnaître le légitime désir (des Algériens) de bénéficier de conditions de circulation et de séjour en France qui soient compatibles avec l'intensité des liens familiaux qu'ils y entretiennent”, tout en souhaitant “parallèlement que l'Algérie joue un rôle majeur dans le contrôle des flux migratoires”. Ségolène Royal s'est dit par ailleurs “attachée à ce que (les) sociétés civiles (des deux pays) jouent tout leur rôle dans le partenariat d'exception que nous construisons ensemble”, et a estimé qu'une “relation renouvelée avec l'Algérie est inséparable d'une politique de respect à l'égard de la communauté algérienne vivant en France”. Jack Lang pour une reconnaissance des crimes commis par la colonisation Dans l'après-midi, son émissaire, Jack Lang, qui était l'invité de l'Institut des études stratégiques globales (IESG), a donné une conférence sur le thème : “Europe-Maghreb, quel avenir ?” M. Lang, dont la dernière visite en Algérie remonte à 1996, a plaidé pour une “reconnaissance (par la France) des crimes commis par la colonisation” en Algérie, comme alternative aux excuses réclamées par Alger à Paris. “La meilleure façon de s'excuser est de reconnaître la réalité des crimes qui ont été commis par la colonisation en Algérie de 1830 à 1962 (date de l'indépendance)”, a affirmé le conseiller de Ségolène Royal. “Même quand la page du colonialisme est tournée, il reste ce qui n'est pas toujours le plus aisé à opérer en soi : une forme de décolonisation mentale, de décolonisation morale et spirituelle car la survivance des instincts coloniaux est tenace et parfois vivace”, a-t-il ajouté. Le conseiller de la candidate socialiste a estimé que “l'Algérie doit être dans le futur pour les dirigeants français un axe privilégié, un axe prioritaire et essentiel”. Il a par ailleurs estimé que l'idée du Maghreb était une “idée révolutionnaire” mais qu'elle restait encore “à construire ou à imaginer” en raison notamment du conflit du Sahara occidental qui empoisonne les relations entre Alger et Rabat. Abordant les relations entre l'Europe et le Maghreb, Jack Lang a exprimé ses “regrets” et sa déception sur l'échec de la construction euroméditerranéenne. Le processus de Barcelone, qui a fait naître beaucoup d'espoir, n'a pas atteint les objectifs escomptés, a-t-il dit. L'ancien ministre français de la Culture et de l'Education a promis que si Ségolène Royal parvenait à l'Elysée, “il y aura la volonté, en liaison avec l'Italie, l'Espagne et le Portugal, de déplacer l'axe de l'Europe, très orienté vers le Nord”. Jack Lang a appelé à ne plus traiter les pays du Maghreb “seulement comme un marché où l'on vient déverser ses produits “mais” comme des civilisations, une source d'inspiration intellectuelle et spirituelle”. Concernant le phénomène de l'immigration, Jack Lang a dénoncé la politique de la droite au pouvoir en affirmant que des “législations obscènes” ont été édictées par l'UMP. Selon lui, “les lois votées par le ministre de l'Intérieur et principal rival de Ségolène Royal à l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy, établissent des règles trop strictes, trop rigides de l'attribution des titres de séjour, encourageant ainsi la clandestinité”. L'ancien ministre a souligné qu'il faut “sortir la question de l'immigration du débat politicien”. Interrogé sur la question de savoir si Ségolène Royal allait effectuer prochainement une visite en Algérie, Jack Lang a répondu : “L'agenda de la candidate ne prévoit pas pour l'instant de voyage en Algérie. Elle a un programme électoral trop chargé. Et puis, je suis venu à sa place.” Rafik Benkaci