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Comment 132 EES ont couvert un trou de 109 milliards de centimes
25e jour du procès de la caisse principale d'El Khalifa Bank
Publié dans Liberté le 07 - 02 - 2007

Les écritures entre sièges (EES) ont servi à masquer des mouvements de fonds irréguliers dans les agences principales d'El Khalifa Bank. Non justifiées, 132 EES ont servi à couvrir principalement à travers les comptes à ordre un trou estimé par Hamid Foufa, l'expert judiciaire nommé par le juge d'instruction, à plus de 109 milliards de centimes au niveau des agences de Chéraga, Blida, Oran, les Abattoirs, El-Harrach et Koléa. Le bilan n'est, selon lui, que provisoire tant que la liquidation n'a pas fini son travail.
Pour Hamid Foufa, saisi en mars 2003 et dont le rapport a été remis en mars 2005 au juge d'instruction, l'expertise a mis en évidence une masse issue d'opérations irrégulières de transferts de fonds sans justificatifs. Le préjudice est estimé par ce dernier à plus d'un milliard quatre-vingt douze millions de DA au niveau des agences de Chéraga, Blida, Oran, les Abattoirs, El-Harrach et Koléa. Ce montant se répartit à 10 000 DA pour l'agence de Chéraga, 1,776 million de DA pour celle de Blida, 517,197 millions DA à l'agence des Abattoirs, 74,06 millions à celle d'Oran, 485,113 à El-Harrach et 14 millions à Koléa. Le déficit constaté à Chéraga est amoindri par le fait que l'agence était en “étroite connivence” avec celle des Abattoirs. Elles étaient liées par des mouvements de fonds et d'écritures. Le trou de Koléa est en réalité un montant remis à Faouzi Baïchi, directeur de la trésorerie de KB.
Ces opérations irrégulières ont été couvertes par des écritures entre sièges, 132 plus exactement. Il a révélé que la majorité a été tirée en 2002, près de 104 EES. Le reste se répartit à 2 en 1999, 2 en 2000, 13 en 2003.
Ces écritures étaient “légales” du moment que des fonds sortaient, mais ces mouvements se faisaient de manière “illégale” puisqu'ils n'étaient pas justifiés. Les opérations étaient principalement logées dans les comptes à ordre. Sur les 109 milliards estimés par l'expertise, 83 étaient comptabilisés dans ces comptes. “ça servait à camoufler des mouvements anormaux. Il suffisait de comptabiliser ces sommes dans les comptes à ordre et d'envoyer des EES à la caisse principale qui les laissait en suspens puisqu'ils ne s'accompagnaient pas de fonds…” Ce recours systématique aux comptes à ordre, des comptes pour “coma profond”, a permis selon Hamid Foufa aux agences de cumuler les trous sans qu'ils ne soient jamais découverts même pas par les commissaires aux comptes. “Les comptes à ordre peuvent être utilisés pour camoufler la nature des montants”. Habituellement, les montants inscrits dans les comptes à ordre ne doivent pas rester très longtemps en suspens. Après expertise, il a été impossible de retrouver les montants sortis de ces différentes agences dans les comptes. Il nuancera toutefois le préjudice global indiquant que celui-ci ne peut être appréhendé que par “la révision globale de toute la comptabilité d'El Khalifa Bank, cela prendrait au moins trois ans”. C'est la tâche à laquelle s'attelle entre autres la liquidation.
Le tribunal a entendu par la suite l'inculpé en correctionnel Nadjib Bourayou, associé de la société algéro-espagnole d'alimentation Haal. Sa société avait bénéficié d'un crédit de 150 millions de DA à l'agence des Abattoirs contre la garantie hypothécaire du terrain sur lequel se trouve l'unité de production à Oran. La valeur du terrain, dira-t-il, couvrait largement le crédit ; elle était même supérieure. “Nous avons commencé à rembourser une fois que l'unité est entrée en production. Mais ils ont voulu nous asphyxier”. Il ne restait qu'un peu plus de 52 millions de DA. Le prévenu a expliqué à la présidente avoir subi des “pressions” de la part du directeur d'agence qui le sommait de rembourser ce montant et qui usait de toutes les voies en sa possession notamment la saisie-arrêt sur les différents comptes de la société. C'est Houcine Soualmi qui leur a proposé comme solution le changement de garantie par l'acte de nantissement des avoirs de Adda Foudad. Il consultera des experts avant d'accepter la proposition. “Nous avions contacté d'autres banques, notamment l'ABC, mais ils ne voulaient pas être en deuxième rang pour l'hypothèque”. Le directeur d'agence lui proposera de rencontrer Adda Foudad, le directeur de l'Ecole de police de Aïn Benian, à son bureau. “Nous sommes partis chez un monsieur respectable, dans une institution respectable”. À aucun moment, Adda Foudad ou Houcine Soualmi ne lui diront que la garantie concernait des DAT ou des devises. Nadjib Bourayou lui proposera une “reconnaissance de dette” pour couvrir l'acte de nantissement avec un délai de 6 mois pour rembourser. Le notaire lui demandera l'aval des associés de la société avant la rédaction de l'acte. L'accord a été passé en janvier 2003, la reconnaissance de dettes en juin 2003. Il n'aura la main levée sur l'hypothèque qu'en octobre 2003, après la mise en liquidation de la banque, par Ghouli Mohamed, l'adjoint de Houcine Soualmi, ce dernier étant “absent depuis un moment”. Les engagements n'ont toutefois pas été honorés en temps et en heure. La levée d'hypothèque devait intervenir dès la réalisation de l'acte de nantissement. Nadjib Bourayou ne savait pas, dira-t-il, que l'acte de nantissement était couvert par les 60 900 euros. Il n'en a pris connaissance qu'une fois au tribunal. Il dira avoir été “trompé”. Puisqu'il avait affaire à une banque, à un directeur d'agence. “C'est lui le banquier, c'est lui qui connaît. Le nantissement ne nous concernait pas, il concernait M. Foudad et le directeur. Nous c'est la reconnaissance de dette qui nous impliquait”. Le crédit a été remboursé en intégralité, intérêts en plus, à 9%. Propos confirmés par son associé.
Hamdane Belarbi, directeur central chargé de la santé et des activités sociales à la DGSN et président du conseil d'administration de la mutualité générale de la Police nationale a été entendu par la suite. Il est inculpé dans cette affaire à cause des dépôts effectués par l'organisme auprès d'El Khalifa Bank, agence de Chéraga puis des Abattoirs. Le premier dépôt a été effectué en janvier 2001 à Chéraga après transfert des placements de la BDL. Il a été effectué, précisera-t-il, sur la base des taux d'intérêt offerts et du rendement des placements. KB offrait 12% d'intérêt alors que toutes les banques offraient un taux nettement inférieur. Sa valeur était d'un peu plus de 207 millions de DA. Il a généré à peu près 22 millions de DA d'intérêt la première année. Le dépôt a été réalisé sans consultation de l'assemblée, mais après aval du conseil d'administration. “Il y avait un principe, celui de transférer à chaque fois qu'il y avait un taux de rémunération plus intéressant. Interpellé par la présidente sur la consultation des bilans de la banque, Hamdene Belarbi lui répondra pas une évidence : “C'était une banque agréée par l'Etat, nous n'avions jamais demandé les bilans du CPA, de la BDL ou de la Cnep. Pourquoi nous aurions dû demander les bilans. Nous partions sur le principe de la confiance.”
Le transfert sur l'agence des Abattoirs a été réalisé après l'information qui leur a été transmise par “Foudad Adda” concernant des taux plus importants au niveau de cette agence. “Son taux était de 1% supérieur”. Il en discutera avec le directeur d'agence en présence de Foudad Adda et du directeur de la mutualité. “Nous avions la conviction qu'il y avait une concurrence entre les agences”. Il révèlera qu'il a informé par correspondance les différents services et responsables de la DGSN de ces transferts. En tout 256 millions de DA ont été déposés par la mutualité auprès de cette agence. Il n'en reste rien ou presque aujourd'hui. Sur papier seulement, puisque la mutualité générale de la police est aujourd'hui créancière de la liquidation.
Il dira également que la DGSN a bénéficié d'une convention avec Khalifa Airways pour une réduction de 30 puis de 50% sur les prix des billets à l'égard des policiers et de leurs ayants droit. 26 cartes de gratuité de voyage ont été octroyées dans ce cadre à de hauts cadres et des cinq conseillers de la DGSN. Il n'avait nul besoin, selon la présidente, d'informer par contre ses responsables hiérarchiques ou les services de la DGSN de cette liste de gratuité puisqu'ils allaient en bénéficier.
Samar Smati


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