Abdelmajid Sidi-Saïd et Abou Djerra Soltani ont été entendus hier par le tribunal criminel près la cour de Blida en qualité de témoins sur leurs responsabilités respectives quant aux dépôts des organismes de Sécurité sociale à El Khalifa Bank. Le premier a déclaré assumer sa part de responsabilité, le second a porté des accusations de “faux” sur des documents estampillés ministère du Travail et portant sa signature. Abdelmajid Sidi-Saïd, ancien président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance sociale (Cnas) et secrétaire général de l'UGTA, a reconnu au tribunal criminel près la cour de Blida que l'instance “ne s'est pas réunie” le 12 février 2002. La présidente demandera au greffier de prendre acte de cette affirmation. Le patron de la Centrale syndicale a affirmé que la DG de la Cnas peut anticiper sur les délibérations du CA. Sidi-Saïd dira que “assumer” la résolution du CA à cette date. Arguant qu'elle venait confirmer une délibération de l'instance en date du 21 avril 2001 et décidant du “placement des excédents financiers dans les organismes offrant le plus d'avantages sans en préciser un en particulier”. Le CA a également approuvé la convention collective des employés des organismes de Sécurité sociale. “Cette délibération a été transmise au ministre. Le 24 avril 2001, nous avons été destinataires d'une réponse positive de la tutelle et dans laquelle figure l'acceptation de la résolution 009 en rapport aux conventions de branches”, dira-t-il. La résolution du 12 février 2002 a été signée par lui et envoyée, dira-t-il, à la tutelle. “Elle n'est pas un faux”, précisera Abdelmajid Sidi-Saïd. Il avait, dira-t-il, et en l'absence de l'installation de la nouvelle composante du CA à “gérer la caisse en tant que président sortant”. Il a reconnu que ce document approuvant le transfert des fonds de la Cnas vers El Khalifa Bank pouvait être considéré comme une “contradiction”, voire “antiréglementaire”. “J'en assume la responsabilité”, précisera le patron de la Centrale. La présidente ne laissera pas passer. “On ne parle pas de responsabilité. Vous êtes là en tant que témoin et seulement cela”, relèvera-t-elle. Il dira également que cette résolution objet de controverse a été confirmée et validée par le CA dès son installation en septembre 2002. Il s'agit pour lui “d'une régularisation”. Cette résolution lui a été demandée, affirmera-t-il, par le directeur général de la caisse. Abdelmajid Sidi-Saïd infirmera par contre les déclarations de Abdelmajid Benacer, ancien DG de la Cnas. “Je n'ai pas ordonné. Si je l'avais fait, il m'aurait fallu un écrit. Il y a des responsabilités à assumer et d'autres à ne pas assumer. Moi j'ai validé en septembre 2002. C'est bon ou pas, c'est à vous d'apprécier”. La présidente interpellera Abdelmajid Benacer lui disant : “Benacer, je vous ai dit qu'il vous fallait un écrit.” Le SG de l'UGTA dira dans le même ordre ne pas avoir été informé du premier dépôt effectué le 28 janvier 2002 antérieur à la résolution du 12 février. “Je n'étais pas au courant de ce dépôt. J'ai répondu à l'appel de la DG. Maintenant au niveau de la faisabilité des placements, je suis incapable de répondre”. Il y a eu des placements effectués “sans” l'informer. Il n'avait pas non plus les détails des placements et disant qu'il n'a pas eu à connaître les détails de manière directe ou indirecte. Il mettra en avant l'expiration des termes du dernier placement effectué le 22 septembre 2002. “Par acquis de conscience, j'ai informé lors du dernier conseil ; le dernier placement devait être retiré en décembre 2002. Partant du principe que j'ai été quelque part complaisant, comment voulez-vous expliquer que moi parti le 26 septembre 2002, le conseil qui est venu après n'a pas eu l'information pour pouvoir prendre une décision de confirmation ou de retrait de ces placements”. Quant à la résolution du 12 février, il dira qu'elle émane du “pouvoir de l'habitude”. Il affirmera également que la tutelle, le ministère du Travail, ne pouvait ignorer ces placements, que ce soit par la résolution ou par l'examen du budget de la Cnas. Pour lui, les intérêts proposés par KB seuls “couvraient le fonctionnement de la caisse”. Il confirmera aussi le placement des fonds de l'UGTA à l'agence KB des Abattoirs, 8 milliards de DA. Il dira au sujet de la cession à KB du siège de “Révolution et Travail”, le journal de l'UGTA, pour 170 millions DA que la Centrale n'a pu récupérer que 100 millions de DA. Abdelmajid Benacer, l'ancien DG de la Cnas, a réitéré son propos déclarant que toutes les décisions de placement avaient été portées à la connaissance du président du CA, même les négociations des clauses de la convention. “Le président du CA était informé par rapport aux dépôts au moment voulu et à tout moment. Je n'aurais jamais signé préalablement la convention si je n'avais pas son accord. Ce sont des relations de confiance qui prévalaient entre nous”, dira-t-il ajoutant qu'il n'avait pas d'écrit en ce sens. “Il y a une certaine souplesse pour éviter la bureaucratie”. “Ce document est un faux” Il est revenu après à Abou Djerra Soltani en sa qualité d'ancien ministre du Travail et de la Sécurité sociale d'être entendu par le tribunal. Le ministre d'Etat et patron du MSP a affirmé que les dépôts des caisses sociales à KB n'ont pas été effectués durant son passage au ministère, soit entre décembre 1999 et mai 2001. “Durant mon mandat, pas un seul dinar des cinq caisses sociales n'a été déposé à KB”, a déclaré Abou Djerra Soltani. Il exprimera “son grand regret” que le gouvernement de l'époque n'ait pas suivi son “conseil” de modifier le décret 97-02 conférant des “prérogatives colossales au CA” des caisses dénonçant la composante au 2/3 représentant l'UGTA. Il infirmera avoir été à un moment ou un autre au courant des dépôts. “Jamais”, dira-t-il. Interrogé par la présidente sur la résolution datée du 12 février et envoyée par Sidi-Saïd, il dira ne pas en avoir connaissance. “Je n'ai jamais reçu de lettre du président du conseil d'administration. Mis à part les félicitations du 24 février…” Chose qui étonnera la présidente, celle-ci lui demandera alors comment un “ministre ne s'inquiète pas de ne recevoir que des lettres de félicitations”. Abou Djerra Soltani dira que le ministère qu'il dirigeait s'était inquiété des augmentations de “46%” des salaires pour les travailleurs des organismes de Sécurité sociale, sanctionnés par conventions de branches, alors que la tripartite n'avait décidé que de 10%. Il dira ne pas avoir eu connaissance des dépôts que ce soit via les résolutions ou la présentation du budget. Malgré le fait qu'il est, selon sa propre “appréciation”, le plus “précis des ministres”. “Durant l'époque où j'étais ministre du Travail et de la Protection sociale, je n'ai jamais su, d'une source officielle ou non officielle, qu'une caisse sociale ait déposé son argent à El Khalifa Bank. À mon époque, Khalifa n'était pas un empire et j'aurais aimé qu'il y ait un autre ministre aujourd'hui à ma place”. Interrogé par le procureur général si la Caisse nationale de Sécurité sociale des non-salariés (Casnos) avait déposé des fonds durant son mandat de ministre, il répondra par la négative. Le dépôt selon lui a été effectué par la CNR en date du 11 septembre 2001. “La Casnos est la pire des caisses. Vous devriez me décorer. J'ai sauvé la Casnos”, dira le ministre. Face aux questions du PG, il perdra patience et se fera rappeler à l'ordre par la présidente qui lui dira que les réponses se font dans le “respect mutuel”. Abou Djerra Soltani dira qu'il ne pouvait connaître la situation et qu'il ne pouvait mener “une chasse aux sorcières”. Me Ali Meziane, partie civile représentant la liquidation lui demandera s'il a bien approuvé la résolution du CA de la Cnas en date du 21 avril 2001 et décidant du placement des fonds de l'organisme dans les établissements financiers offrant les meilleurs taux d'intérêt. L'avocat ayant un document portant la signature et le cachet de Abou Djerra Soltani, daté du 24 avril 2001, approuvant cette résolution. Abou Djerra Soltani niera avoir signé un tel document. “Ce document est un faux, ouvrez une information judiciaire”, dira-t-il. La présidente interviendra disant que le document en question ne fait pas partie du dossier. “Vous n'avez pas à répondre”, précisera-t-elle à l'adresse du ministre. L'avocat lui demandera si c'est lui qui a ordonné le transfert des fonds. “Jamais”, sera sa réponse. Me Aït Larbi demandera pour sa part si “le ministre d'Etat détient des dossiers sur l'implication de responsables dans l'affaire El Khalifa Bank”. Deux réponses fuseront en même temps. “Nous n'en avons pas” pour Abou Djerra Soltani et “Question refusée” pour la présidente. Un autre avocat lui posera une question similaire quant à un document de la Casnos. Il réitérera son propos quant au “faux”. La magistrate refusera une nouvelle fois le document arguant qu'il ne fait pas partie du dossier. L'avocat l'informera qu'il l'a transmis au juge d'instruction en temps et en heure. La réponse de la magistrate provoquera l'ire de la défense. “Vous avez eu l'inventaire des pièces. Ce qui est extérieur à l'inventaire est extérieur au dossier. Je n'accepte aucun autre document, notamment sous la suspicion du faux, vous n'avez qu'à prendre les dispositions réglementaires”, dira la présidente du tribunal. Elle libérera le témoin pour régler le problème “en famille”. Me Aït Larbi interviendra alors pour dire qu'avec une accusation de “faux” d'Abou Djerra Soltani, il y a une procédure à suivre. “Je vous l'ai dit voyez avec le parquet. Cela relève de ses prérogatives, demandez-moi des comptes sur mes prérogatives et ma responsabilité. Le parquet est libre, il a le pouvoir”, arguera la présidente. Elle lèvera par la suite une séance pour le moins houleuse. Samar Smati