Après la CNR, c'est au tour de Abdelmajid Benacer, l'ancien directeur général de la Caisse nationale d'assurance sociale (CNAS), de s'expliquer sur les placements effectués par l'organisme auprès d'El Khalifa Bank. Le préjudice causé à la CNAS s'élève à 10 milliards de DA de capital. Le tribunal entendra aujourd'hui Abdelmajid Sidi-Saïd et Abou Djerra Soltani à ce sujet. Différents dépôts ont été effectués par l'organisme durant l'année 2002. En tout cinq placements, dont le dernier de 10 milliards de DA réalisé en septembre 2002, n'a pu être récupéré à temps. L'ancien DG de la CNAS, accusé en correctionnel, a affirmé à la barre que le premier dépôt de l'ordre de 4 milliards de DA a été effectué le 28 janvier 2002. Les responsables de la Caisse nationale d'assurance sociale ont été contactés par des représentants d'El Khalifa Bank, notamment le directeur de l'agence d'El-Harrach, Djamel Aziz, durant la première semaine de janvier. “Il m'a contacté une première fois par téléphone, puis il est venu me voir durant la première quinzaine du mois de janvier au bureau.” Après ce premier contact, deux rencontres ont suivi, sanctionnées par la signature de deux conventions de placement à court terme, de trois mois renouvelables. Les choses se compliquent, selon le tribunal, dans l'application de la loi qui régit le fonctionnement de ces organismes, notamment en matière de placements financiers. Le premier dépôt effectué le 28 janvier 2002 a eu lieu sur décision du “président du conseil d'administration de la CNAS”, à l'époque Abdelmajid Sidi-Saïd, secrétaire général de l'UGTA, dira l'ancien DG. Mais “sans qu'il n'y ait réunion” antérieure de l'instance de décision, précisera pour sa part la magistrate, citant le témoignage des membres du conseil d'administration de la CNAS. Il y a eu, selon Abdelmajid Benacer, une résolution du conseil d'administration “une dizaine ou une quinzaine de jours après” le placement, le 12 février 2002. “J'avais eu l'accord préalable de Sidi-Saïd”, répondra-t-il. L'accusé expliquera dans ce cadre que de toute façon, les décisions du conseil d'administration étaient “nulles et sans effet” entre janvier 2001 et mars 2002 du fait même que son mandat avait expiré le 31 décembre 2001 et que sa nouvelle composante nommée par le ministère de tutelle n'avait pas été installée. Il révélera au tribunal que “le nouveau conseil d'administration ne s'est pas réuni pendant 15 mois”. Durant ce temps-là, l'ancienne composante du conseil assurait le fonctionnement. Cet état de fait était dû, selon Abdelmajid Benacer, à un “conflit” entre Abou Djerra Soltani, ministre du Travail, tutelle de la CNAS, et l'UGTA, dont les représentants siègent selon les statuts de la CNAS à 18 membres sur les 29 que compte le conseil d'administration. Cela n'empêchera pas les placements ni le fait que les responsables de la CNAS ou de la tutelle soient au courant. Abdelmajid Benacer dira qu'en janvier 2002, il négociera avec Djamel Aziz pour le dépôt des fonds détenus par la CNAS. KB proposait, selon lui, des taux d'intérêt “intéressants” pour les placements à court terme. “Puisque le nouveau CA ne pouvait pas se réunir, j'informais Sidi-Saïd de l'avancement des négociations avec El Khalifa Bank. La banque nous a proposé un taux d'intérêt de 15% et Sidi-Saïd m'a donné son accord verbal pour placer les fonds de la CNAS. Il fallait une résolution du conseil d'administration, et il m'a dit qu'il allait s'en occuper”, expliquera-t-il. Pour l'ancien directeur général de la CNAS, le patron de la Centrale syndicale était le président du conseil d'administration de l'organisme et les 2/3 des membres étaient issus de l'UGTA. La résolution du conseil d'administration approuvant le premier transfert des fonds de la CNAS vers KB est datée du 12 février 2002. La tutelle a, selon lui, été informée de ce placement par transmission des résolutions du conseil. La présidente du tribunal montrera à ce sujet une lettre envoyée par Abdelmajid Sidi-Saïd en sa qualité de président du conseil d'administration de la CNAS à Abou Djerra Soltani, ministre de tutelle, l'informant que “le conseil d'administration a voté une résolution” pour le placement à KB. Abou Djerra Soltani a nié, selon la magistrate, dans ses déclarations au juge d'instruction avoir été informé ou avisé de ces dépôts. Il n'y a eu aucune réponse, selon l'ancien DG de la CNAS, du ministre ou de la direction des assurances sociales du ministère dans les délais réglementaires. “Pour moi, l'absence de réponse de la part du ministre équivaut à une approbation et l'accord de Sidi-Saïd suffisait.” Le procureur général reviendra sur la signature de la première convention entre Abdelmajid Benacer et Aziz Djamel à Cheraga, au siège de KB, et en présence de Rafik Abdelmoumen Khelifa. Abdelmajid Benacer dira avoir été seul. Les dépôts ont été effectués, selon lui, sur la base des excédents financiers et du rendement proposé pour les dépôts. La deuxième convention de placement a été signée le 20 février de la même année, différentes résolutions ont sanctionné les dépôts. L'agence de Chlef a subi, selon le PG, un préjudice de 44 millions de dinars. Chose à laquelle Abdelmajid Benacer dira ne pas être au courant et ne pas avoir ordonné le transfert des fonds des agences régionales de l'organisme. Quant à KB, l'ancien DG de la CNAS dira que ses cotisations étaient bien versées. “Nous avions vérifié, nous avons les chiffres. Ils versaient leurs cotisations sociales. Ils n'avaient qu'un retard de deux mois. Ce sont les derniers mois qu'ils n'ont pas versés.” Les fonds de la CNAS n'ont pu être retirés à temps malgré le fait que l'organisme ait émis “plusieurs chèques” après l'expiration du terme du dernier dépôt en décembre 2002. “Certains chèques ont pu passer d'autres pas.” Le dernier dépôt de 10 milliards de DA a été effectué le 26 septembre, date selon le PG du “dernier conseil d'administration présidé par Abdelmajid Sidi-Saïd”. Face aux questions insistantes du PG sur les résolutions du CA de la CNAS, la défense interviendra. La présidente du tribunal rappellera que Abdelmajid Benacer n'est pas poursuivi pour “faux”. Actuellement, la CNAS est créancière de la liquidation de KB. Abdelmajid Sidi-Saïd et Abou Djerra Soltani seront entendus en qualité de témoins aujourd'hui par le tribunal criminel sur leurs respectifs dépôts de la CNAS. Samar Smati