Les Etats-Unis ont-ils déjà perdu la guerre de l'information très importante dans l'issue d'un conflit militaire ? Les exemples du Viêt-nam et de la Somalie sont encore vivaces dans les esprits. L'effet des images enregistrées par la télévision irakienne et diffusées dimanche par la chaîne satellitaire qatarie Al Djazeera, n'a pas tardé à apparaître aux Etats-Unis. Mme Hodges, mère d'un des soldats américains capturés par l'armée irakienne, suppliait sur les chaînes de télévision américaines de tout faire pour libérer son fils afin qu'il revienne auprès d'elle. Cette image a choqué et ébranlé la puissante Amérique. Toutes les dispositions prises par l'Administration américaine dans le but de prévenir ce genre de choses n'auront servi à rien. La Maison-Blanche avait “recommandé” avec insistance aux médias US de ne pas diffuser les images de ce genre, pour éviter de porter atteinte au moral des troupes, et parce que cela constitue une violation de la Convention de Genève sur les prisonniers de guerre de 1949. L'article 13 de la convention stipule : “Les prisonniers de guerre doivent en permanence être protégés, particulièrement contre les actes de violence ou d'intimidation, les insultes et la curiosité du public.” L'opposition à la guerre trouve là les arguments nécessaires pour crier plus haut et plus fort son rejet du recours à l'action militaire, comme c'était le cas lors des conflits du Viêt-nam dans les années 60 et plus récemment encore en Somalie en 1995, au cours de la guerre civile qui a ravagé ce pays et qui a vu l'intervention des GI's. D'ailleurs, ce sont les images de certains de ces soldats lynchés par la population somalienne, qui ont fait réagir l'opinion publique américaine. La réaction était si forte que l'Administration Clinton avait dû opérer le retrait des troupes US de la Somalie. Même scénario durant la guerre du Viêt-nam, qui n'a été écourtée qu'après les nombreuses manifestations antiguerre qui ont secoué les Etats-Unis, déclenchées dans ce cas aussi par les horribles images des massacres de civils viêt-namiens perpétrés par les GI's et autres marines. L'opinion publique américaine, qui s'est vu promettre par George W. Bush, une guerre rapide avec un minimum de dégâts en Irak, ne tardera certainement pas à réagir, surtout si la liste des pertes de “l'US army” continue à s'allonger. Et comme la Maison-Blanche est très sensible à la pression de la rue dans ce genre de situation, elle n'a pas tardé à essayer de calmer les esprits pour éviter une rapide levée de boucliers de la part des opposants à la guerre, qui n'ont pas cessé de manifester leur rejet de la guerre dans les rues de nombreuses villes des Etats-Unis. Bush est intervenu dans ce sens dimanche, pour apaiser la situation en se disant qu'il avait bon espoir de récupérer les prisonniers aux mains des Irakiens. Il n'a pas manqué de menacer tout militaire irakien, qui maltraiterait les prisonniers américains, de poursuites pour crimes de guerre. Ceci dit, le ministre de la Défense irakienne, le général Sultan Hachem Ahmed, avait assuré que l'Irak respecterait les conventions de Genève sur les prisonniers de guerre. “Nos valeurs, notre religion et notre culture nous poussent à traiter les prisonniers de la manière dont ils doivent être traités”, a-il affirmé à la presse. En attendant, l'Amérique a été secouée par les images de ses soldats gisant dans leur sang et surtout ceux faits prisonniers apparaissant terrorisés devant les caméras de la télévision. Les pertes en vies humaines dans les rangs américano-britanniques pour cause d'erreurs et de tirs “amis”, ont également contribué à ébranler la confiance et la sérénité de l'Amérique arrogante par son sentiment d'invincibilité et de supériorité. Le risque d'un soulèvement contre l'Administration Bush est très présent, et la poursuite de la guerre plus longtemps mettra le locataire du bureau ovale dans une position très critique vis-à-vis de l'opinion publique américaine. En perte de vitesse dans la guerre de la communication, les Etats-Unis ont mal négocié le premier virage de ce conflit militaire, qu'ils paraissaient pourtant bien maîtriser avant son déclenchement. Ils ont intérêt à refaire leur retard rapidement, s'ils ne veulent pas se retrouver au centre d'une contestation généralisée à l'intérieur et à l'étranger. K. A.