Pas moins de 120 mendiants ont été recensés durant une seule journée rien que dans la ville de Constantine. Parmi eux, des personnes originaires de Batna, Biskra, Oum El Bouaghi, Mila, Sétif et même de Chreaâ. En compagnie des agents de la Cnas, nous avons assisté à une opération de prise en charge des mendiants qui refusent d'être hébergés au sein des structures d'accueil de Diar Errahma et vont jusqu'à agresser les agents de la DAS. C'est sur les marches d'une boulangerie, située derrière le centre culturel Mohamed-Laïd El Khalifa, que les hommes de la DAS repèrent leur premier “client”. S. R. est âgé de 32 ans. Il est là, depuis les premières lueurs du matin, à attendre qu'une âme charitable lui lance une pièce. Pourtant, marié et père d'une fille, S. R. avait un travail, mais il préfère faire la manche. Plus loin, un homme est assis sur les marches d'une autre boulangerie. Il a 67 ans et est handicapé. Aux questions des agents de la DAS, ammi Salah, natif de Hammam Soukhna, dans la wilaya de Sétif, devient vite méfiant, presque agressif. Selon ses affirmations, il doit mendier pour faire vivre ses cinq filles, toutes au chômage. Sa réponse aurait été convaincante, si ce n'est l'intervention d'un passant qui lance à notre intention que c'est son voisin et réside, en fait, à Koudiat, dans le centre-ville de Constantine. 11 heures. Destination la SNTV Ouest, autre lieu de prédilection pour les mendiants. À première vue, personne dans les parages. Quelques minutes plus tard, notre attention est attirée par une petite fille âgée de 4 ans, toute seule, debout devant une gargote. Elle s'appelle Chaima et est la cadette de cinq enfants originaires de Djemaâ, dans la wilaya de Biskra. Connues des assistantes sociales, elle et sa famille ne se sont jamais fait prendre. Pourtant, ce jour-là, un petit moment d'inattention a suffi pour les avoir. Une heure plus tard, on s'est retrouvé dans le quartier de Rahbet Essouf, où la famille de Chaima loue une petite pièce vétuste. Le grand frère, qui nous aperçoit de loin, alerte sa mère par téléphone. Quelques minutes plus tard, la mère rapplique. Bon chic, bon genre. Personne ne peut croire, à sa tenue, que c'est elle qui expose chaque jour, Sara et ses quatre frères et sœurs à un métier à haut risque. Selon M. Boumenkar, directeur de la DAS de la wilaya de Constantine, un mendiant gagne, en moyenne, 4000 DA par jour. “En décembre 2006, nos agents ont épinglé l'un d'eux en possession de 120 000 DA”, révèle-t-il. Il y a quelques jours seulement, un autre a été surpris avec la somme de 80 000 DA. Selon une enquête déclenchée par les services de la police, il s'est avéré qu'un “mendiant” cumulait deux pensions de retraite, dont l'une en euros, il possédait un compte bancaire et un logement. Un véritable réseau de mendiants professionnels Il s'agit de bandes “très bien” organisées, selon M. Mâalem, chef du bureau de l'insertion au niveau de la direction des affaires sociales. Cependant, aucune preuve, jusqu'ici, n'a permis aux services de la Sûreté de wilaya de Constantine de mettre la main sur les chefs de file. C'est grâce au téléphone portable que les mendiants communiquent entre eux et avec leurs “patrons”. “Ils savent exactement comment éviter d'être "chopés", en plaçant des guets aux environs de la station de bus Benabdelmalek, là où, habituellement, le bus de la solidarité est stationné, avant chaque sortie”, nous dira notre interlocuteur. Les rues sont tellement rentables que les rares mendiants qui sont épinglés et placés à Diar Errahma n'y restent même pas une journée. Des mendiants tunisiennes Durant l'une de leurs multiples opérations, les services de la DAS ont découvert trois familles originaires de Tunisie, venues exprès pour pratiquer cette nouvelle profession en Algérie. La loi relative à la pratique de la mendicité en Tunisie est sévèrement appliquée, contrairement à l'Algérie où un relâchement est observé depuis le début des années 1990. Deux d'entre elles sont entrées, illégalement, en Algérie. Aussi, en collaboration avec le consulat de Tunisie en Algérie, les services de la DAS ont immédiatement enclenché la procédure d'usage pour les extrader vers leur pays d'origine. La troisième famille, possédant des papiers en règle, a été prise en charge par les services de la DAS. Souheila Betina/ Lynda Nacer