Après avoir procédé à l'acquisition ferme de trois aéronefs et investi dans la mise en place des infrastructures nécessaires à son envol, la compagnie aérienne privée, Rym Airlines, filiale du groupe Bcia Bank, n'arrive toujours pas à décoller. Pourtant, avons-nous appris, son entrée en service était escomptée au plus tard dès le mois de février dernier. pourquoi un tel retard et que s'est-il passé entretemps, sachant, comme le soulignent les responsables de la compagnie naissante, que “tous les préalables organisationnels et techniques ont été scrupuleusement remplis” ? La Direction de l'aviation civile et de la météorologie (DACM), autorité officielle en la matière, refuse à l'heure actuelle la délivrance du permis d'exploitation définitif, l'AOC (Air Operator certificate) jugeant que Rym Airlines n'a concrétisé que partiellement les recommandations qui lui avaient été formulées suivant l'audit datant de novembre dernier. Cela ressort dans la correspondance signée par le directeur de la DACM stipulant : “… nous ne sommes pas en mesure d'envisager une délivrance de l'AOC nécessaire à la réalisation de votre plan d'acquisition flotte”. Dans le même message, daté de février 2003, ce même responsable exige des dirigeants de Rym Airlines de “poursuivre leurs actions de constitution” de la compagnie par la fourniture des manuels d'exploitation et de fonctionnement, les contrats signés avec Air Algérie pour ce qui a trait à la maintenance et catering, ainsi que des copies des conventions d'occupation de locaux signées avec l'EGSA, copies des décisions portant sur les personnels recrutés etc. Pour ce qui est des aéronefs, déjà acquis, depuis plus de 5 mois et payés cash, la direction de l'aviation civile demande à connaître l'âge des appareils, le réseau d'exploitation souhaité, la qualification du personnel de conduite, technique et d'exploitation etc. En clair, pour la DACM, le permis d'exploitation définitif (AOC) est loin d'être acquis pour Rym Airlines. Ce que n'arrive pas à comprendre le directeur général de cette compagnie, M. O. Aïssa, un vieux “routier du secteur aérien avec une trentaine d'années d'expérience”, lequel a justement occupé le poste de 1er responsable de cette même direction de l'aviation civile et de la météorologie, de 1988 à 1996. Il signale qu'une audit a bel et bien été opérée, en novembre dernier, par les services compétents, débouchant sur une autorisation (AOC) partielle. Sur la base de ce feu vert encourageant, comme le soutient le président du groupe, M. Kherroubi, “nous avons acheté 3 Boeing-737-200, payés en cash auprès d'une société américaine”. Ces avions sont, par ailleurs, pourvus des certificats de navigabilité (CDN) en cours de validité, délivrés par la FAA, administration fédérale de l'aviation civile américaine et étaient en exploitation jusqu'à la veille de leur acquisition, précise notre interlocuteur. Ayant fait l'objet d'une mise en conformité aux normes européennes, ils devaient arriver à Oran le 22 février. Jusqu'à aujourd'hui, ils restent toujours bloqués à Dallas. Depuis décembre 2002, les dirigeants de Rym Airlines ont multiplié les démarches et échanges de correspondances avec les autorités compétentes pour aboutir au convoyage de ces appareils en Algérie. Un autre imbroglio surgit à ce niveau : l'expertise de ces avions par les services de contrôle technique Verital n'arrive pas à se décider pour le lancement des inspections. Faut-il se déplacer à Dallas où se trouvent les avions pour procéder à cette inspection ou plutôt attendre leur introduction en Algérie pour pouvoir mener cet impératif de contrôle ? Dans leur demande d'inspection, les dirigeants de Rym Airlines se disent prêts à “prendre en charge conformément aux textes en vigueur le déplacement de l'expert de Verital aux USA”, allant jusqu'à proposer leurs services pour l'assistance à l'obtention du visa d'entrée aux USA à cette fin. Il n'y aura point de réponse, le flou restera entretenu et ces avions ni inspectés et ni immatriculés. Cercle vicieux, ou piège réglementaire ? Verital ne semble pas disposée à expertiser des avions non reconnus par la DACM qui affiche une rigueur avérée dans le respect des étapes à entreprendre avant de gagner le ciel. Quel sera donc le sort de cet investissement privé et le devenir de la flotte acquise et assurée par l'opérateur algérien à hauteur de 100 millions de DA ? En plus, toute une logistique et des infrastructures ont été mises en place par cette compagnie dont le logo commençait à se faire connaître. Plus de 500 emplois, nous dit-on, seraient en jeu. Des négociations seraient même en cours pour l'acquisition de deux Airbus destinés à répondre à la concrétisation de la première phase d'exploitation des réseaux national et international. Avec point d'attache central Oran, Rym Airlines souhaite assurer des liaisons multiples sur Alger, Annaba, Constantine, Bechar et Adrar. Toujours à partir d'Oran, des liaisons internationales sont programmées sur Charleroi, Tunis, Oujda, Alicante, Marseille, Paris, Toulouse, Lille, Casablanca et Istanbul. Signalons que le ministre des Transports a été officiellement saisi par le président de ce groupe privé, lui rappelant l'étendue des dépenses engagées en “frais de personnel, location de terrains, bureaux et stationnement des avions sur un aéroport étranger” et mettant en avant le respect des étapes techniques et réglementaires suivies dans la création de sa compagnie. Y a-t-il une velléité d'étouffer cette naissance ou simple conflit de personnes entre un ancien responsable de l'aviation civile et l'actuel directeur de cet organisme ? S'agit-il simplement d'une erreur de pilotage dans l'évaluation du dossier de la compagnie ? En tout cas, eu égard aux besoins du marché et aux prédispositions affichées par Rym, il y a urgence à entreprendre une double expertise sur ce dossier, pour expliquer tant les lenteurs que les dessous (s'il en existe) de cette affaire. A. W.