Le boulevard Zabana d'Oran, qui délimite le quartier phare de M'dina J'dida, est connu de tous les citoyens, y compris des visiteurs des autres wilayas qui, lors de leur bref séjour dans la capitale de l'Ouest, ne manquent pas de faire un tour dans ce quartier. c'est là l'une des artères les plus anciennes et les plus jolies de la ville, avec sa rangée de platanes qui ombrage ses trottoirs. Le musée d'Oran se trouve justement sur ce boulevard et est baptisé du même nom, Zabana, le héros du pays. Mais depuis plusieurs années, l'attrait de ce boulevard ne vient pas de cet étrange sentiment de bien-être, vestige d'un passé lointain, mais de son occupation, de son détournement par la faune des trabendistes. Le boulevard Zabana est devenu le trottoir du trabendo, un monde qui a ses règles et ses lois. Un monde d'hommes qui se sont partagé l'espace public et qui en ont fait leur chose. Mohamed, un jeune “chômeur” au look bien dans le vent, nous le dit : “Ici, c'est ça la vraie économie du bled ! Makèche l'OMC, h'na essah !” En effet, au boulevard Zabana, vous pouvez trouvez de tout, du plus simple au plus ahurissant en passant par le plus étrange. Les trabendistes sont organisés, ils se sont partagé tout l'espace de ce boulevard. Et c'est ainsi que vous trouverez, tour à tour, ceux qui vous fourguent des vêtements de marque mais de contrefaçon ; il y a ceux qui vous proposent les jeux et les appareils Play Station… Des gamins d'à peine 12 ans vous interpellent avec leurs piles de cassette de CD de jeux. D'où proviennent leurs marchandises ? Mystère et boule de gomme ! Entre larcin et piratage, l'on a le choix. Sur le boulevard, vous trouverez encore ceux qui font dans la devise, l'euro ayant plus que jamais la cote, ce sont là les plus discrets des trabendistes qui agissent avec leur code. Il y a moins amusant, ceux qui proposent des poignards et qui n'hésitent pas à vous laissez toucher la lame tranchante. Le plus surprenant, c'est le coin des oiseaux ; des dizaines de volatiles sont exposés dans de petites cages, attendant le client. À notre grande surprise, nous avons découvert que l'on nous proposait sur place des chardonnerets. Cet oiseau est un animal protégé en vertu de la convention de Cites. Les prix pour un chardonneret peuvent aller de 250 jusqu'à 500 DA, “surtout s'il est jeune, s'il n'a que quelques mois !”, nous dit notre vendeur d'oiseaux. Il y a aussi des canaris, des perruches, etc. Un marché florissant et qui rapporte, nous assure-t-on encore. L'on nous informera même que certains jours, si l'on veut un chiot, l'on peut les trouver sur le boulevard. Des races canines très prisées, tels les bergers allemands, peuvent être disponibles. Mais les plus nombreux sont ceux qui vous proposent les portables. Vous y trouverez toutes les marques et même ceux de dernière génération. Ces vendeurs de portables se sont livrés à une petite transhumance tout au long du boulevard Zabana. En effet, il y a quelques mois, une opération de police a été menée pour “nettoyer ce trafic”, puisque c'est un secret de Polichinelle que bon nombre de ces portables ont été volés, d'autres provenant du marché noir, via le Maroc surtout. Aujourd'hui, on les trouve quotidiennement sur la petite place du boulevard, ils sont une cinquantaine regroupés ainsi, faisant miroiter leur portable. Etrangement, nous avons suivi leur manège, et la sortie d'un homme âgé armé d'un gourdin. Celui-ci, guère démonté, faisait “la police” en demandant aux trabendistes de partir. Faisant tournoyer son bâton, il les chassait de “son trottoir”. “Il n'y a plus de sécurité avec tous ces revendeurs, ces trabendistes. Les femmes, quand elles passent, elles se font agresser, en plus ma yahechmouch ! Ils viennent uriner dans le hall des bâtiments. Avec leur attroupement, ils bloquent l'accès aux boutiques. Y en a marre !”, lâchera notre septuagénaire en guise d'explication. F. Boumediene