Le chef de l'Etat a demandé au “peuple d'être toujours debout”. Huit des vingt victimes du double attentat kamikaze de mercredi dernier, encore hospitalisées au Centre hospitalo-universitaire Mustapha-Pacha (123 sont rentrées chez elles) ont reçu, hier, en début d'après-midi, la visite du président Abdelaziz Bouteflika. Cette halte clôturait une tournée que le chef de l'Etat a effectuée à Alger. Il s'agit de sa première sortie publique depuis les attaques à la voiture piégée, ayant ciblé le Palais du gouvernement et le siège de la division Est de la direction de la Police judiciaire de la sûreté nationale à Bab-Ezzouar. Tour à tour, le Président a procédé à l'inauguration du Nouvel Institut Pasteur d'Algérie (NIPA, à Dély-Ibrahim), du Centre national de conduite du système électrique (à Gué-de-Constantine) et de la Cour d'Alger (au Ruisseau). Mais sans nul doute, la halte de l'hôpital Mustapha-Pacha constitue l'étape culminante de sa visite. Selon les services de la présidence, elle a été adjointe au programme de la sortie, à la dernière minute. Le Président est arrivé sur les lieux peu après 13 heures, accompagné d'une délégation ministérielle composée des chefs des départements de l'Intérieur, de la Santé et de l'Energie et des Mines. Parqués derrière des barrières de sécurité, des badauds ont suivi des yeux et en silence, la procession. Le chef de l'Etat s'est dirigé d'abord au service d'ophtalmologie. Il a été accueilli par le professeur, MmeHartani. À l'étage des femmes, il a pu s'entretenir avec quatre patientes. “Barakat, barakat, barakat min el-maout” (Assez, assez, assez de mort), a-t-il proclamé en s'adressant à l'une d'elles. Sur son visage, transparaissait une profonde affliction. Cette tristesse a marqué ses traits tout au long de sa tournée. “Il faut que le peuple soit toujours debout. Il faut concrétiser la réconciliation nationale”, a-t-il martelé dans son dialogue avec les blessés. Dans son chemin vers le service de chirurgie infantile, le chef de l'Etat était accompagné du professeur Hartani. L'échange entre eux était très dense. Pressée par les journalistes pour connaître la teneur de cette conversation, le médecin a fait remarquer que le Président s'est montré rassurant. “Tout va s'arranger”, lui a-t-il promis. Mais à condition, selon lui, que les Algériens soient mobilisés contre le terrorisme. “Il faut compter sur tout le peuple. La paix appartient au peuple”, a dit M. Bouteflika au Pr Hartani. Au CCI, le président s'est trouvé face à un enfant qui a perdu la vue. Il était dans une voiture en compagnie de sa maman et de l'oncle de celle-ci, près du Palais du gouvernement, quant la bombe a explosé. Sa maman a perdu un œil suite à la déflagration. À peine le chef de l'Etat a-t-il quitté sa chambre, qu'une flopée de photographes s'est massée autour de son lit pour happer son image. Tenus à distance, les reporters ont eu tout le mal du monde à suivre le Président dans les différents services du CHU. Uniquement le cameraman et le preneur de son de l'ENTV étaient autorisés à l'accompagner dans toutes les chambres des malades. Le service d'ordre et de sécurité de la présidence était sur les dents. Une armée de gardes du corps veillait au grain. Suite aux attentats, la visite du Président dans la capitale était placée sous haute surveillance. À Dély-Ibrahim, des tireurs d'élite étaient postés sur les terrasses des maisons implantées aux alentours de l'Institut Pasteur. Les axes routiers, attenant au site, ont été fermés à la circulation bien avant l'arrivée du cortège présidentiel. Même les véhicules de la presse ont été refoulés. “Nous avons reçu des instructions”, s'est excusé un policier. La fouille, y compris corporelle, était de mise. Le président a surgi peu après neuf heures. Contrairement à d'habitude, il a été reçu par une haie d'honneur, composée des éléments de la Garde républicaine. Outre le wali d'Alger, le chef de la Ire Région militaire faisait partie du comité d'accueil. Sous une pluie battante, le chef de l'Etat a franchi le seuil de l'institut. Après un bref exposé du directeur, il a fait le tour des différents services et laboratoires à l'instar du Centre national de veille en matière de médicaments et d'équipement médical, du laboratoire d'immunologie et immunogénétique, qui est le plus grand laboratoire de l'institut, du laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques et du laboratoire de toxicologie. Avant de quitter l'institut, M. Bouteflika a rendu hommage à des scientifiques émérites, dont l'ancien DG de l'Institut Pasteur, Mustapha Benhacine, lors de la cérémonie organisée dans l'amphithéâtre. Dans cette enceinte, comme plus tard, dans une des salles d'audience de la nouvelle Cour d'Alger, les journalistes s'attendaient à ce que le chef de l'Etat fasse une déclaration solennelle sur les attentats du 11 avril. Mais, ils sont restés sur leur faim. Un discours de cette nature est-il à l'ordre du jour de sa visite aujourd'hui à l'université de Constantine, à l'occasion de la Journée du savoir ? Peut-être. D'autant plus que le silence dans lequel il s'est muré depuis six jours n'est guère en sa faveur. Au siège de la Cour d'Alger, M. Bouteflika a honoré les juges diplômés de l'Ecole supérieure de la magistrature (ESM). La promotion porte le nom de Lakhdar-Souier, président de la cour d'Adrar, décédé ainsi que son épouse et sa fille récemment, suite à un accident de la route. Avant de procéder à la distribution des prix aux dix lauréats de l'ESM, M. Bouteflika a marqué une petite pause. Il s'est isolé dans un salon de la cour en compagnie du garde des Sceaux et de hauts magistrats. Aucune information n'a filtré sur le contenu de cette entrevue. Présent au siège de la cour, le procureur général Daoudi Medjrab, a annoncé, samedi dernier, au JT de 20 heures de l'Unique, l'ouverture d'une information judiciaire sur les attentats. Samia Lokmane