Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, jette l'éponge. Il a demandé au Parlement, dont son parti est majoritaire, de convoquer rapidement des élections législatives anticipées, tout se suite après le revers infligé à son gouvernement et à son parti par la Cour constitutionnelle. Pour le panache, Erdogan menace de soumettre au Parlement une proposition de scrutin présidentiel au suffrage universel, la Constitution prévoyant actuellement que le chef de l'Etat turc soit élu par les députés pour sept années. Il devait le faire hier et proposer que le mandat présidentiel soit écourté de deux ans. Mais, l'AKP a besoin d'une majorité des deux tiers au Parlement pour modifier la Constitution. En fait, tout aura été bien orchestré pour pousser à la sortie les islamistes. Le parti islamiste a présenté un candidat aux présidentielles, le ministre des Affaires étrangères, Abdullah Gül, plus modéré qu'Erdogan, mais il n'a pas obtenu suffisamment de voix pour être élu. Sa candidature a été violemment contestée par les élites laïques du pays, qui sont sorties dans les rues. L'armée est alors intervenue pour rappeler, par la voie de son chef d'état-major, le fondement laïque de la Turquie, et la Cour constitutionnelle, saisie par l'opposition, a invalidé le premier tour de l'élection présidentielle, constatant que le quorum requis n'avait pas été atteint. Le tour est joué, c'est l'impasse politique et Erdogan n'a d'autre choix que de convoquer des élections législatives anticipées. La question est maintenant de savoir si le gisement électoral de l'AKP est resté intact ? La droite nationaliste et le centre gauche pourront-ils tailler dans la croupe des islamistes ? La pression est très vive en Turquie qui a fêté le 1er Mai dans la violence. À Istanbul, la police s'est accrochée avec les manifestants dans le quartier de la place Taksim, sur la rive européenne de la ville, plus de 600 personnes ont été interpellées et il y aurait 23 blessés, dont un grave. 17 000 policiers avaient été déployés pour empêcher les militants syndicaux d'accéder à cette mythique place, l'esplanade la plus fréquentée de la ville, interdite aux manifestations. Le rassemblement était organisé pour commémorer le 30e anniversaire du défilé tragique du 1erMai 1977. Des tireurs non identifiés avaient alors fait feu sur la foule des manifestants. Un mouvement de panique avait suivi et 37 personnes avaient perdu la vie. Les heurts sont mis sur le compte du gouvernement des islamistes. D. Bouatta