Le Parlement turc a fixé au jeudi 22 juillet les élections générales anticipées visant à sortir la Turquie de la crise qu'a provoquée l'élection présidentielle entre le gouvernement issu de la mouvance islamiste et le camp laïque. Les députés ont unanimement entériné une proposition du Parti de la justice et du développement (AKP, majoritaire) d'avancer les législatives, prévues normalement le 4 novembre. Le chef de l'AKP, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, avait évoqué mardi des élections anticipées et relancé le débat sur l'élection du président au suffrage universel après que la cour constitutionnelle eut, le même jour, invalidé le premier tour de scrutin présidentiel au Parlement. Les juges ont estimé, à la suite d'un recours déposé par le CHP qui a boycotté l'élection, que l'absence lors du vote du 27 avril d'un quorum des deux tiers des députés ne permettait pas de valider ce scrutin. Dix voix avaient manqué à Abdullah Gùl, numéro deux de l'AKP et seul candidat en lice, pour être élu lors de ce vote. Gùl, ministre des Affaires étrangères, a affirmé qu'il ne maintiendrait pas sa candidature s'il échouait à nouveau à être élu au premier tour qui sera renouvelé demain. Il n'aurait pratiquement aucune chance d'être élu à la magistrature suprême, l'opposition ayant annoncé qu'elle boycotterait ce deuxième vote aussi. L'enjeu est d'abord symbolique car il peut occuper le palais de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie laïque. Or, en la personne de M. Gùl, un ancien islamiste qui risque d'occuper ce siège, ce qui choque les laïcistes les plus sourcilleux, qui s'en prennent aussi au fait que sa femme soit voilée. La nuit du premier tour de vote au Parlement, l'armée, qui a fait tomber quatre gouvernements depuis 1960, est intervenue sous forme d'un texte écrit pour accuser le gouvernement et son candidat à la présidence de ne pas défendre les principes laïques. L'armée faisait savoir sans ménagement qu'elle était prête à le faire elle-même. L'AKP souhaite faire voter la réforme constitutionnelle le plus rapidement possible. Le parti a aussi proposé d'organiser des élections législatives tous les quatre ans. Le projet de réforme constitutionnelle, non encore soumis au Parlement, risque cependant de provoquer un nouveau conflit entre le parti gouvernemental et l'élite laïque. Car cette dernière estime qu'il envisage “à la hâte” un “changement de régime” en Turquie en instaurant un système semi-présidentiel.