Le candidat de la droite à la présidentielle française, pour des considérations apparemment purement électorales, n'a pas hésité à lorgner en direction des camps de l'extrême droite, en reprenant à son compte des positions défendues jusque-là par ces mouvements. Le Chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, a accusé, jeudi dernier, le candidat de la droite à l'élection présidentielle française, Nicolas Sarkozy, de vouloir “réhabiliter l'Organisation de l'armée secrète (OAS)”, le groupe criminel qui avait mené, dans un climat de terreur et de désordre qu'il a fait régner sur le pays, la politique de la terre brûlée à la veille de l'Indépendance de l'Algérie. Dans un entretien paru jeudi dans les colonnes du journal Le Monde, M. Belkhadem n'a d'ailleurs pas hésité à qualifier de “précurseur d'al-Qaïda” cette organisation qui s'était opposée par une violence inouïe à l'option de l'indépendance du pays après le cessez-le-feu annoncé le 19 mars 1962. “L'OAS était une organisation criminelle, une organisation terroriste du même type qu'al-Qaïda aujourd'hui. Elle a été le précurseur d'al-Qaïda, d'une certaine façon”, a estimé M. Belkhadem qui a affirmé en réponse à une question sur la colonisation que “nous gardons en mémoire tout ce qui a été dit en France” et que “nous n'avons rien oublié”. “Pour nous, a expliqué le Chef du gouvernement, on ne peut pas parler d'“aspect positif” de la colonisation. Prétendre le contraire, c'est dire des insanités. Il ne sert à rien d'en rajouter. Les Français sont libres de mener la politique qu'ils souhaitent. Mais, que l'on ne compte pas sur nous pour nous taire dès lors qu'il s'agit de porter un jugement sur une tragédie que nous avons vécue. Nous ne pouvons pas rester silencieux”. Même si Alger n'a pas, pour le moment, réagi officiellement à la dérive langagière du candidat Nicolas Sarkozy, les propos tenus par ce dernier lors de la campagne électorale, notamment sur des thèmes chers à l'extrême droite française, n'ont apparemment pas laissé indifférents les autorités de ce côté-ci de la Méditerranée. On préfère peut-être par prudence mettre ce glissement sur le compte de la campagne électorale. En effet, le candidat Sarkozy, pour des considérations apparemment purement électorales, n'a pas hésité à lorgner en direction des camps de l'extrême droite de Jean-Marie Le Pen et Philippe de Villiers, en reprenant des positions défendues jusque-là par ces mouvements. D'ailleurs, tout récemment, le quotidien français Le Monde avait fait état d'une lettre que M. Sarkozy a adressée à des associations de pieds-noirs, dans laquelle il affirmait sa volonté de ne pas “sombrer dans la démagogie de la repentance”. En réalité, il ne fait que réaffirmer une position qu'il a déjà exprimée auparavant, à savoir qu'il n'y aura pas de repentance de la France coloniale par rapport aux crimes et massacres commis en Algérie. Mais, en plus de refuser toute excuse de la France officielle à l'égard de ce qui s'est passé en Algérie en 132 ans de colonisation effrénée, M. Sarkozy va même jusqu'à se poser, dans cette missive envoyée aux anciens pieds-noirs, en avocat de ceux qui avaient mis le pays à feu et à sang pour tenter d'empêcher sa marche vers l'indépendance. Il souhaitait, en effet, que ceux qu'il appelle les “victimes françaises innocentes” de la guerre d'indépendance et “tout particulièrement les victimes du 26 mars 1962” se voient reconnaître la qualité de “morts pour la France”. M. Sarkozy trouvait même “inutile” de signer un traité d'amitié entre l'Algérie et la France tel que souhaité par les responsables des deux Etats. Il préférait s'en tenir, comme il l'avait dit, à “l'amitié franco-algérienne”. Ces positions tranchent fondamentalement avec celles exprimées par la candidate du Parti socialiste Ségolène Royal. En effet, pendant que le camp de M. Sarkozy louait “le rôle positif” du colonialisme français, Mme Royal qualifiait ce dernier de “système de domination, de spoliation et d'humiliation”, jugeant “fondamental” que Paris et Alger “puissent élaborer ensemble une restitution de l'histoire qui tienne compte de notre histoire partagée”. Aujourd'hui que Jacques Chirac s'apprête à quitter ses fonctions au palais de l'Elysée, peut-on dire que le traité d'amitié qui lui était cher est mort et enterré ? “Nous souhaitons toujours sa signature, mais il faut se démarquer des crimes de la France coloniale”, répond Abdelaziz Belkhadem. C'est dire qu'Alger maintient sa position initiale sur la question : pas de traité d'amitié avant des excuses de la France officielle par rapport aux crimes perpétrés durant la colonisation. Toutefois, Alger semble garder un œil attentif à ce qui se passe dans l'Hexagone avec la course à la succession à Chirac. “On ne peut pas être indifférent à ce qui se passe en France, même si nos relations sont des relations d'Etat à Etat”, soutient Belkhadem qui souligne, implicitement, cette particularité dans les relations entre l'Algérie et la France, objet et sujet de passion de part et d'autre de la Méditerranée. Hamid Saïdani