Après dix ans d'attente et d'une impatience à peine dissimulée ces derniers temps, le ministre des Finances britannique Gordon Brown a enfilé son habit de prétendant officiel au poste de Premier ministre, fort de l' adoubement de Tony Blair, qui a fixé son départ au 27 juin prochain. Il a annoncé la couleur : sa gouvernance sera différente de celle de Tony Blair. Sur le plan interne, il promet de rétablir le pouvoir du Parlement et, au plan international, il mettra fin au suivisme à la politique de la Maison-Blanche imprégnée par le locataire du 10 down street. Gordon Brown sait qu'il doit à tout prix requinquer le New Labour dénaturé par 10 années de blairisme jusqu'à être devancé par le Parti conservateur dans les dernières élections locales et régionales et à ne plus être sûr de vaincre aux prochaines législatives (2009). Il peut d'autant le faire qu'il a été l'artisan du redressement économique du pays en tant que ministre des finances. Mais, c'est sur la politique étrangère qu'il compte pour réconcilier les britanniques avec leur pouvoir. Ayant l'avantage sur Tony Blair de ne pas être tenu pour responsable de la participation du Royaume-Uni à la très impopulaire guerre en Irak, Gordon Brown a déclaré au moment où le président irakien Talabani était l'hôte de Tony Blair que Londres respecterait ses obligations envers le peuple irakien, dans le cadre de la résolution des Nations unies, pour promouvoir la démocratie. Et d'annoncer une inflexion dans les prochains mois : “Nous devons nous concentrer davantage sur la réconciliation politique en Irak, sur son développement économique.” En fait, Blair doit son ascension à Gordon. Ils briguaient tous deux la direction du Labour à la mort de son chef John Smith en 1994 et la légende veut qu'ils aient pactisé dans un restaurant de Londres : Tony Blair prendrait la tête du parti et Gordon Brown les Finances pendant six ans, après quoi le Premier ministre lui laisserait la place. Mais les années ont passé et Tony Blair a conduit le New Labour à trois victoires électorales. Les journaux britanniques ont rapporté d'innombrables disputes entre les deux hommes et face à son impopularité conséquente de son alignement aveugle sur la politique du président américain, Blair a fini par comprendre qu'il doit céder le témoin. Le futur Premier Ministre devra composer avec les syndicats qui l'attendent sur des dossiers délicats, d'autant que le revers des succès économiques de la Grande-Bretagne ont leur revers, pas de chômage mais des petits salaires et des emplois flexibles. La tradition britannique veut que le chef du parti majoritaire à la Chambre des communes dirige également le gouvernement, et le chancelier de l'Echiquier ne devrait pas rencontrer d'opposition à ascension. D. B.