Le nouveau locataire du palais de l'Elysée se décrit comme un “interlocuteur soucieux de renforcer encore les relations bilatérales dans un esprit de coopération et de respect mutuel”. Environ une vingtaine de jours après son élection à la présidence de la République française, Nicolas Sarkozy écrit à son homologue Abdelaziz Bouteflika. Il a répondu hier à son message de félicitations en des termes très courtois, qui expriment son attachement à la promotion de rapports privilégiés entre les deux pays. “Comme vous, je suis convaincu que l'approfondissement de la relation d'exception entre l'Algérie et la France doit constituer une priorité commune, car il répond aux attentes de nos deux peuples et pourra, j'en suis sûr, servir de modèle aux rapprochements nécessaires de part et d'autre de la Méditerranée”, assure le nouveau locataire du palais de l'Elysée. Faisant montre de sa pleine disponibilité à poursuivre l'œuvre de normalisation entamée sous l'ère de son prédécesseur, il se définit comme “un interlocuteur soucieux de renforcer encore, dans un esprit de coopération et de respect mutuel”, les relations bilatérales qualifiées “d'essentielles”. M. Sarkozy réclame, par ailleurs, le soutien de l'Algérie dans la construction de l'espace méditerranéen, “une entreprise tellement ambitieuse et nécessaire” à ses yeux. Cependant, dans son esprit, un principe doit prévaloir dans le rapprochement algéro-français, le respect auquel, dit-il, “nous sommes attachés”. À l'avenir donc, les représentants des deux Etats devront lénifier leurs discours en les vidant des vieilles rancœurs et des velléités de revanches inassouvies. Le président Bouteflika avait donné le la le 8 mai dernier, à l'occasion de la célébration du 62e anniversaire des massacres de l'armée coloniale à l'est du pays. Dans un message, il avait plaidé pour l'instauration d'un “climat de confiance fondé sur les valeurs universelles de liberté et de respect” entre la France et l'Algérie “sans lequel toute approche audacieuse de nos rapports bilatéraux et des équilibres régionaux risque de s'enliser dans de vaines résurgences du passé colonial”. Sans remettre en cause ni atténuer l'ampleur du carnage, le chef de l'Etat avait exprimé le désir de tourner la page. “Bien sûr, nous ne devons pas voir le présent et l'avenir seulement avec les yeux d'un passé traumatisant. En deux générations d'indépendance, notre pays a pansé la plupart de ses blessures et pour l'essentiel, il est sorti de la nuit coloniale”, avait-il signifié. Cette sortie modérée et conciliante tranche à bien des égards avec la sévérité de ses discours antérieurs sur la question. En 2005, le vote par le Parlement français de la fameuse loi du 23 février qui, dans son article 4, faisait l'apologie de la colonisation française en Afrique du Nord et dans les territoires d'outre-mer, avait suscité son courroux. Qualifiant ses initiateurs (la majorité UMP) de cécité mentale, M. Bouteflika avait brandi l'épisode des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata comme la face sombre, génocidaire de la présence française en Algérie. Du coup, le traité d'amitié qu'il avait convenu de signer avec Jacques Chirac ne l'inspirait plus. À son tour, Sarkozy ne veut plus parler de ce pacte. Mais pour une autre raison. En campagne pour l'investiture suprême, il est intervenu sur le sujet, considérant que l'amitié entre son pays et le nôtre n'a pas besoin de traité, surtout que le projet porte l'empreinte indélébile de Chirac. En ayant posé ses valises à l'Elysée, l'ancien ministre de l'Intérieur a bien l'intention d'imprimer sa propre perception des relations algéro-françaises. Il leur confère un aspect davantage pragmatique. Quand il était à Bercy, il est venu à Alger accompagné de chefs de grandes entreprises, à l'image d'Alstom chargée depuis de réaliser le métro. Après avoir déménagé à la place Beauvau, il est revenu dans notre pays avec l'engagement d'assouplir les conditions de délivrance de visas et de consolider la coopération dans le domaine sécuritaire. Son efficacité et son sens pratique lui valent, dit-on, une grande sympathie au niveau du palais d'El-Mouradia. Même sa lettre aux pieds-noirs — qualifiée de faux pas — à la fin de la campagne électorale n'a pas suscité de grands remous. Excepté le mécontentement exprimé par le Chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, il n'y eut guère d'autre réactions. L'incident étant définitivement clos, place aux actes. Samia Lokmane