Ils insistent : “Le faible taux de participation n'entame en rien la légitimité de la nouvelle Assemblée.” Mais les douze millions d'électeurs qui ne se sont pas rendus aux bureaux de vote et le million qui a voté nul n'avait pas cherché à délégitimer l'APN. Justement, ils savaient que leur voix n'a pas ce poids et c'est pour cela qu'ils ont préféré la préserver. Ils ont juste voulu la mettre hors de portée de la manipulation frauduleuse et se prémunir de la fonction de faire-valoir qui a toujours été allouée au citoyen. La légitimité démocratique ne s'exerce que dans des conditions d'Etat de droit. Les Algériens, par leur retrait de la vie politique, semblent avoir majoritairement pris acte que le contexte ne convient point à l'exercice du droit de vote. De ce point de vue, leur décrochement n'entame pas la légitimité des instances élues qui n'étaient pas plus légitimes quand la participation était plus importante. L'élection assure une conformité formelle. Mais quand elle est frappée de suspicion de fraude, elle ne peut pas à elle seule prescrire la pertinence de l'Assemblée qui en est issue. Et, à ce propos, il convient de rappeler que c'est une APN élue qui a constitué une commission d'enquête sur la fraude pratique lors d'une échéance précédente. Les conclusions n'ont pas été rendues publiques, mais l'initiative a légitimé le doute qui entoure les consultations nationales. Si des députés ont pour des raisons politiciennes avoué la présomption de manipulation, pourquoi le premier concerné, l'électeur, devrait-il indéfiniment s'accommoder du risque de détournement de sa voix ? Que des responsables politiques persistent à énoncer la légitimité de l'APN, en dépit d'une forte abstention, constitue une grave maladresse politique : avec ou sans vos voix, l'Assemblée est légitime. Au lieu de promettre de réunir les conditions de réconciliation du citoyen avec ses institutions, le message stipule qu'il n'y a pas de rapport entre la représentativité des instances élues et le niveau d'expression populaire. La coutume, en démocratie, est qu'en pareilles circonstances, les responsables annoncent qu'ils ont entendu le message et formulent les réponses qu'ils comptent y apporter. Au lieu de cela, nos politiciens y opposent le dédain de rigueur. Et trouvent ailleurs quelques échappatoires qui leur évitent d'enregistrer l'impopularité de la pratique politique en vigueur. Ce sera la faute de la loi électorale sans autre précision, à part qu'on décèle une insinuation à quelque néfaste effet des “petits partis”. Quand on a sorti du chapeau un groupe comme le FNIC (inattendu Front des indépendants pour la concorde), on ne peut se plaindre de la prolifération de particules à l'occasion électorale et qu'il obtienne son siège. Nul n'a vu passer son processus d'agrément qui a dû être, pour le moins, discret. Ce serait aussi “donner une mauvaise image du pays à l'étranger” que de souligner la massive défection des électeurs. Etrange argument d'une classe qui s'accommoderait donc du désaveu à l'intérieur s'il n'avait pas de conséquence sur sa perception par l'extérieur. Le message du 17 mai est important ; mais plus grave est que, semble-t-il, on ne l'entende pas. M. H. [email protected]