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Maghnia, carrefour des trafiquants
Les gendarmes veillent sur la frontière ouest
Publié dans Liberté le 10 - 06 - 2007

Il est loin le temps des produits espagnols, des jeans Lois, très loin l'attrait de Maghnia. Maghnia ne fait plus le business, sauf celui des trafiquants de drogue et de la contrebande de carburant. Ne reste de ce temps d'alors qu'une sublime nostalgie, l'époque de la rareté, de la séduction et de la mode. Maghnia est devenue au fil du temps le territoire quasi exclusif de la Renault 25, de toutes ces voitures à gros réservoir.
Dans un étourdissant va-et-vient entre Tlemcen, cette autre ville qui se distingue par une concentration incroyable de stations d'essence, et Maghnia se repose la nuit, toutes les nuits lorsque cesse le mouvement naturel et commence celui de l'ombre des contrebandiers allant tous vers la frontière toute proche livrer la marchandise.
Malgré tous les efforts des services de sécurité, le trafic se poursuit. Arrestations, saisies, interpellations sont quotidiennes, et malgré tout, les trafiquants ne sont pas près de lâcher. Patrouilles, brigades mobiles, barrages fixes, surveillance et contrôle, raids, embuscades, autant de méthodes répressives sont utilisées pour en venir à bout.
Maghnia, c'est aussi la grande vitesse, les chauffards et les accidents mortels. Pour réduire cette hécatombe, la gendarmerie est passée à la “répression”. Ce n'est plus en mettant des barrages fixes, facilement repérables, que l'on pourra pousser les automobilistes à respecter le code. C'est là l'avis du chef de la brigade locale de gendarmerie. Les gendarmes de la brigade de sécurité routière sont embusqués le long de la RN35 reliant Maghnia à Tlemcen, contact radio, et s'échangent les informations sur le comportement des chauffeurs ; la couleur, le type et l'immatriculation sont signalés. En deux opérations de ce genre, les gendarmes ont retiré 120 permis. Un record ! Tous les chauffeurs impliqués jurent n'avoir rien fait. Il s'est trouvé même un Chinois de Cetic, chargée de réaliser un tronçon de l'autoroute Est-Ouest, qui jure avoir fauté pour la première fois. Dans un arabe châtié, il s'excuse et promet de respecter toutes les lois algériennes. Le soir venu, une autre vie commence, mais plus risquée. Celle des dangers que charrie le trafic. Les accidents.
Des chiffres parlants Maghnia, c'est aussi la ville des chiffres, des statistiques, bonnes et mauvaises.
Chiffres des accidents, chiffres des arrestations, chiffres des saisies, quantités de drogue et nombre de véhicules saisis. La dernière saisie de drogue a été opérée à peine quelques jours avant notre arrivée. 68 kilos de kif traité. Une autre affaire, fausse monnaie. L'auteur a été intercepté alors qu'il allait passer de l'autre côté de la frontière, dans une petite oliveraie. C'est un jeune de Koléa qui s'est installé un moment à Oran où il a confectionné 160 millions en faux billets de 1 000 DA. Il a été saisi également un pc, un scanner et une imprimante. Les billets sont une parfaite copie. Impossible à reconnaître dans la nuit.
Rien que pour le mois de mai, les GGF ont récupéré 28 580 litres de mazout, 13 60 litres d'essence, 50 kilos de couscous, des effets vestimentaires, de la lingerie, des lunettes. C'est dire que malgré le tour de vis supplémentaire opéré par les services de sécurité, avec notamment le renforcement des postes de contrôle à proximité de la frontière, les contrebandiers continuent d'étendre la nomenclature des produits qu'ils introduisent frauduleusement au Maroc. Du Maroc, ils ramènent évidemment le kif et depuis peu de la cocaïne et des boissons alcoolisées.
Depuis que les autorités ont creusé un fossé longeant la frontière, les trafiquants utilisent les ânes dont la “prolifération” à Akid-Lotfi, colonel-Abbès, Zouia est symptomatique, ou vont carrément à pied. La journée, ces localités frontalières sont trop calmes ; on n'y voit que les vieux travailler leur terre et de rares jeunes oisifs. À la tombée de la nuit, une autre “faune” apparaît pour se livrer aux trafics. La plupart des arrestations ont été opérées dans cette zone.
Depuis la mise en œuvre de ce nouveau dispositif, le flux a considérablement diminué et le volume des marchandises se réduit de plus en plus. Ce qui explique sans doute la mort lente du marché de Zouia. En effet, à quelques rares exceptions, on ne trouve presque plus de nouveautés dans ce marché. Comme partout ailleurs, on y vend la même chose, les mêmes marques. D'ailleurs, il n'y a plus l'affluence d'avant. À ce rythme, il sera fermé de lui-même, faute de clientèle.
C'est ici qu'a été arrêté un jeune en possession de 3 grammes de cocaïne. Il était à bord d'un 4x4 lui appartenant lorsqu'il a été appréhendé. Les gendarmes pensent qu'il était venu “voir la marchandise avant d'acheter”. Tout en lui indique qu'il n'est pas simple consommateur. “Un simple consommateur ne roule pas en 4x4, ne fait pas tous ces kilomètres pour trois grammes de cocaïne”, conclut le commandant des GGF. L'apparition de cette drogue latino-américaine est récente dans la région. Elle est le fait de réseaux marocains impliquant des membres des services de sécurité du royaume qui ont établi des connexions avec les cartels colombiens.
Malgré l'alerte donnée par la DEA américaine, aucune mesure n'a été prise par le Maroc. Il aura fallu que l'affaire prenne une grande dimension pour voir les premières têtes tomber. Mais, tout porte à croire que le réseau n'est pas totalement démantelé.
Le nouvel itinéraire, Colombie - îles Canaries - territoires sahraouis occupés, avec les complicités marocaines haut placées, semble réussir pour les narcotrafiquants colombiens traqués sur les pistes américaines, en quête d'un nouvel axe pour le marché européen.
La pression des services de sécurité espagnols a poussé les réseaux marocains à chercher d'autres voies d'acheminement. D'où ces tentatives de faire transiter la cocaïne par l'Algérie via Maghnia.
D'où aussi le renforcement des postes de surveillance et des postes avancés tout le long de la frontière avec le Maroc. Un projet de construction et de rénovation des postes de surveillance des GGF est lancé. Nettement plus élevés, équipés de tous les moyens, ces nouveaux postes offrent le confort pour un travail plus “pointu”. Autre mesure, un barrage de contrôle permanent de la brigade des stup de la police juste à la sortie de la ville de Maghnia.
La nuit, tous les Africains…
Et évidemment un réseau de renseignement très performant et disponible. Ce qui ne semble pas être le cas en face, côté marocain, malgré la présence des postes de surveillance visibles, le dispositif demeure très poreux.
La journée, il ne se passe absolument rien. C'est le soir que ces activités illicites installent leur territoire. Toutes les saisies, les arrestations ont été opérées de nuit. Jusqu'à 22h, aucun mouvement suspect. C'est au-delà de minuit que les trafiquants et les contrebandiers essayent de s'infiltrer, explique le premier chef des GGF de la région.
Retour vers la ville ; la ville qui entretient savamment ses paradoxes. Les enseignes des établissements, hôtels, commerces sont des slogans très évocateurs.
El-Wi'am, El-Izza, El-Karama… de la concorde civile à la réconciliation nationale en passant par l'élection présidentielle de 2004. Affirmation d'une appartenance, d'un soutien ? Rien ne l'indique.
Maghnia, c'est avant tout les affaires, les bâtisses qui poussent à une vitesse incroyable, peut-être le blanchiment d'argent.
C'est une ville très vivante, mais improductive. C'est aussi le passage obligé pour les candidats à l'immigration clandestine.
Surtout les Africains. Ces téméraires désespérés venus du fond de l'Afrique braver tous les dangers pour atteindre les côtes espagnoles. Ils se rappellent tous les incidents sur la clôture de Milila.
Mais cette mort atroce est évoquée comme une anecdote. Les gendarmes mènent des opérations, opèrent des raids contre les camps de fortune qu'installent les clandestins en attendant le moment de passer de l'autre côté. La dernière descente a permis l'arrestation de 39 Nigérians. Ils étaient tapis sous des sachets d'emballage dans une ferme. L'un d'eux est muni d'une épée. Surpris dans leur sommeil, ils n'ont pu prendre la fuite. À la brigade de gendarmerie, ils sont identifiés, fichés.
Dans une ambiance bon enfant, ils discutent, parlent entre eux dans un “patois”, un mélange d'anglais et de langue locale. Ils comprennent le français, l'arabe dont ils maîtrisent quelques bribes. Ces polyglottes improvisés ne dépassent pas les 30 ans. Mustapha Dialo : “Oui, je suis Mustapha Dialo”, dit-il avec fierté, le torse bombé en avant.
Il veut partir à tout prix en Espagne. Il a un “bambino” là-bas. “Oui, je suis marié. Ma femme est en Espagne”, dit-il. Il a été déjà refoulé, mais promet encore de tenter jusqu'à y arriver. Son objectif, son ambition qu'il partage d'ailleurs avec ses 38 concitoyens dont trois filles, s'installer en Espagne. Ils sont au fait même de ce qui se passe dans leur pays.
La présidentielle, le nouveau président. Mais, ce n'est pas là leur principale préoccupation.
Leur rêve était de quitter le Nigeria. C'est chose faite. Mais ce rêve, inachevé, est stoppé par les frontières et les lois. C'est d'ailleurs vers cette même frontière qu'ils seront reconduits.
Les gendarmes se chargent de leur fournir nourriture et rafraîchissements. Ils savent qu'ils seront reconduits, mais savent aussi qu'ils reviendront pour la majorité d'entre eux réessayer de traverser la frontière pour rejoindre le pays de leur rêve. La séparation se fait sous des “au revoir”, et Mustapha Dialo fait la promesse de revenir encore et encore. Le trajet ne lui fait pas peur.
Un étrange sentiment
Du Delta jusqu'à Maghnia en passant par Illizi via In Salah est le nouvel itinéraire découvert par les clandestins pour fuir le dispositif de Tamanrasset. Promis, juré ! Et on se sépare comme de vieux amis, avec des sourires.
Leur drame est que de l'autre côté de la frontière, le traitement est différent.
Quand ils sont pris, ils sont passés à tabac, délestés de leur bien et argent et jetés à Maghnia même s'ils sont venus par mer par les Canaries. Rendez-vous alors à la prochaine descente, à la prochaine rafle et au prochain refoulement.
Après une telle aventure avec ses rencontres insolites, ses paradoxes, on en sort avec un étrange sentiment d'avoir vécu dans une autre dimension. Sur cette sensation inhabituelle, on quitte Maghnia, ses slogans, son business, mais surtout ses gigantesques ronds-points qui la font ressembler aux autres villes de l'Ouest.
D. b.


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