Drogue, carburants, denrées alimentaires diverses sont devenus des produits sur lesquels ils ont fondé leur règne. Une récente étude universitaire de l'Institut des sciences sociologiques de l'université d'Es-Sénia a démontré que les réseaux de contrebande ont fait de la bande frontalière ouest un royaume régi par les lois qu'ils ont définies en tenant compte de certains paramètres sociaux propres à la région et qui font de Maghnia et sa périphérie un vivier dans lequel ils peuvent se ressourcer à leur guise. Drogue, carburants, produits alimentaires divers sont devenus des produits sur lesquels ils ont fondé leur règne qui puise son essence de l'absence de postes d'emploi à une main d'oeuvre en constante évolution. Les services des douanes de la région ont traité, durant les années 1999 et 2000, environ 1115 affaires de contrebande qui se sont traduites par la saisie de 619, 313 kg de drogue dans la seule localité de Maghnia. L'étude révèle, en outre, que les services des douanes ont saisi, durant la même période et dans la même en région, 37.556 bouteilles de spiritueux; 30.394 litres d'essence et 647 pièces d'armes blanches. L'étude réalisée par l'étudiant Benreguia pour l'obtention de son diplôme de licence en sociologie, a démontré que les quantités de drogue et de produit divers saisis ne représentent en réalité que 15% des produits qui sont arrivés à franchir les barrages des différents services de sécurité et à atterrir sur les marches locaux. Elle démontre que les citoyens de la région, en l'absence de postes d'emploi n'hésitent pas à verser dans la contrebande. Maghnia et sa région ne comptent que 3 usines qui n'offrent que 3000 postes d'emplois qui ne peuvent absorber une masse de demandeurs d'emploi en constante évolution. L'usine de faïence, celle spécialisée dans la transformation de maïs ou encore celle spécialisée dans la fabrication d'huile de table ne peuvent, à elles seules, contenir une masse de demandeurs d'emploi qui sont vite récupérés par le marché informel et celui de la contrebande. Maghnia est devenue, par la force des choses et la volonté des réseaux de contrebande, un marché où se côtoient le licite et l'illicite. C'est ainsi que Chebikia, distante de 14 km des frontières avec le royaume chérifien et isolée du processus de développement économique de la région, s'est spécialisée dans la commercialisation d'alcools et autres spiritueux. La région de Bab el-Assa, située à 34 km du chef-lieu de la daïra de Maghnia, a versé, elle, dans la contrebande des carburants alors que Boukanou, voisine de la ville marocaine de Ahfir, est réputée pour le commerce des produits alimentaires d'origine diverse tout comme le village de Zouia connu, lui aussi, pour servir de point de chute aux effets vestimentaires ramenés par les réseaux de contrebande du Maroc. Le village Akid-Lotfi, où est implanté un poste frontalier, s'est spécialisé, quant à lui, dans le trafic des produits pharmaceutiques. Sa proximité avec la ville marocaine de Oujda (12 km), en a fait une plaque tournante de ce trafic juteux pour la mafia de la contrebande. Mieux encore, cette région est devenue, ces derniers temps, une zone de passage pour de jeunes clandestins qui sont pris en charge par les réseaux d'émigration clandestine vers l'Europe. Ces derniers ont trouvé en les clandestins africains un filon juteux qui leur permet de prospérer et de tisser des liens avec les réseaux européens qui prennent leur relais une fois les enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila atteintes par les candidats à l'émigration clandestine. L'étude a révélé qu'en l'absence de projets générateurs d'emplois, la situation pourrait rester en l'état, voire empirer puisque les gains par une seule opération de contrebande, frôlent des chiffres astronomiques qui peuvent varier entre 8000 DA et 30.000 DA l'opération, gains qui paraissent attractifs pour une masse de jeunes désoeuvrés et sans emploi. Par ailleurs, l'auteur de l'étude a révélé qu'au moment où la contrebande commence à s'installer comme pratique propre à la région, les autorités compétentes se sont montrées absentes ce qui a permis à une mafia transméditerranéenne de prendre en charge le recrutement de plusieurs jeunes, parfois même des universitaires. Les réseaux de contrebande ont imposé leur loi, profitant d'une conjoncture économique et sociale de l'Algérie. Le retour de la paix et l'élimination du terrorisme pourront changer les choses, mais en attendant, la bande frontalière Ouest reste soumise aux lois édictées par la mafia de la contrebande.