Les activités de contrebande en tous genres est à la hausse à la frontière ouest, notamment dans la wilaya de Tlemcen avec ses 172 km de frontière terrestre avec le Maroc. Longueur que mettent à profit les trafiquants, notamment ceux du carburant pour écouler de manière, peut-on dire, régulière. En effet de Zouia à Maghnia jusqu'à la limite de Marsa Ben M'hidi au nord, tout au long de la frontière, la contrebande du carburant sévit. Il n'y qu'à remarquer le mouvement incessant des voitures à gros réservoir. De jour comme de nuit, des files entières de ces voitures sillonnent les routes longeant cette frontière. Ces contrebandiers opérant sur le même territoire que les trafiquants de drogue, la lutte devient difficile, n'était l'ingéniosité des services de sécurité, notamment la gendarmerie qui renouvelle chaque fois ses parades pour les contrer. Un autre constat déduit des derniers bilans des saisies est l'augmentation du trafic de carburant même en été, alors qu'auparavant les grandes saisies étaient opérées à l'approche de la période hivernale. La période estivale connaît un afflux dense d'émigrés ces dernières années et la demande a naturellement augmenté. Une aubaine pour les contrebandiers. Rien que pour les huit premiers mois de l'année 2007, les services de la gendarmerie de Tlemcen ont saisi 443 560 litres de carburant, une augmentation de 20% par rapport à la même période de 2006. Le phénomène de la contrebande a connu ces dernières années un inversement dans la structure de son contenu. Alors que Maghnia, Zouia particulièrement, était considérée comme le point de chute et le marché de gros de produits de contrebande en provenance du Maroc, maintenant ce sont des produits de même type qui sont saisis mais en partance du territoire algérien. Fini le temps des effets vestimentaires d'origine espagnole et algérienne, des produits alimentaires, surtout ceux soutenus par l'Etat sont régulièrement interceptés par les patrouilles des services de sécurité. Le nombre d'affaires traitées en 2007 a augmenté vertigineusement comparativement à l'année 2006. On est passé de 714 affaires l'année écoulée à 1 261 en 2007 ; soit une hausse de 90%. Il en est de même pour le trafic de cigarettes dont l'approvisionnement a été inversé. Ce sont désormais des cigarettes en vente en Algérie qui prennent le chemin du marché marocain. Marlboro, LM, Legend, Gauloises… 6 680 cartouches ont été saisies durant la même période rien que par les services de la gendarmerie de Tlemcen. Dans cette panoplie de produits, on a remarqué même des vêtements “prisés” par la mouvance islamiste, comme la âabaya, le kamis blanc et le pantalon court par lesquels s'identifient les salafistes. Plus de 1 000 de ces vêtements ont été saisis ainsi que des serviettes de bain de production algérienne. Inversement, en provenance du Maroc, le kif traité demeure en première position. Mais on s'est mis aussi aux produits agricoles, comme les oranges, les cacahuettes, la pomme de terre. Il a été saisi, ainsi, 1 133 quintaux d'oranges, 30 quintaux de cacahuettes, 204 quintaux de pommes de terre ; désormais, les Marocains ne se contentent plus de déverser leurs déchets industriels et toxiques dans les oueds communs, ils leur font traverser la frontière. Les gendarmes ont saisi dans ce cadre, 96 tonnes de déchets toxiques. On y trouve également le trafic de véhicules. Une partie des voitures utilisées dans la contrebande du carburant n'est pas conforme. Des véhicules volés au Maroc, avec des plaques algériennes bidouillées sont utilisées comme moyen de transport de carburant. Quand elles sont interceptées par des patrouilles, les chauffeurs se volatilisent. En 2007, 16 véhicules ont été saisis dont des semi-remorques et des motos. Ces dernières étant utilisées surtout dans le trafic de drogue. Des informations non confirmées font état de passage de véhicules en Algérie montés au Maroc. Une seule indication a été donnée, il s'agit de véhicules utilitaires. La contrebande allant de pair avec la fausse monnaie, c'est donc logiquement que les services de sécurité, la gendarmerie surtout qui fournit les chiffres, ont démantelé un réseau . 4 personnes ont été arrêtées, 193 millions de centimes en fausse monnaie et un lot de matériel informatique ont été récupérés. Même le cheptel n'est pas épargné par le trafic. La gendarmerie a traité 22 affaires liées au vol de cheptel et arrêté 5 personnes concernant le vol de 296 brebis, 6 chèvres et 12 vaches. L'immigration clandestine demeure un problème majeur, d'autant plus que les gendarmes et GGF font face à un phénomène à double sens. Quand ce ne sont pas des Marocains entrant en Algérie qui sont interceptés, ce sont des Africains refoulés par le Maroc qui sont “déversés” à Maghnia, dans un sens comme dans l'autre, ce sont des étrangers, en majorité des nationalités africaines, même si l'on dénombre des Asiatiques, en transit par l'ouest qui sont interpellés. En 2007, le nombre de clandestins arrêtés a augmenté ainsi que le nombre d'affaires liées à ce phénomène. L'augmentation par rapport à l'année écoulée est de l'ordre de 60%. Sur les 212 étrangers arrêtés, 167 sont de nationalité marocaine. La gendarmerie a saisi également, côté mer, deux zodiacs utilisés pour l'immigration clandestine. Etant donné la proximité entre Marsa Ben M'hidi et Saïdia, certains aventuriers utilisent même les pédalos. Le trafic de drogue qui fait l'objet d'une attention particulière n'a pas cessé malgré une lutte sans relâche. Contrairement à la contrebande, le trafic de drogue est une activité très souterraine dont les réseaux sont difficiles à identifier et à saisir. Malgré l'absolue discrétion des réseaux, la gendarmerie de la wilaya de Tlemcen a saisi et récupéré depuis le début de l'année près de 4 quintaux de kif traité, 4 grammes de cocaïne et 1 200 comprimés de psychotropes. La valeur globale des saisies est estimée à plus de 55 milliards de centimes. Estimation élevée par rapport à 2006 où elle n'a atteint que 66 milliards en une année pleine. Le commandant du groupement de Tlemcen, dans ses prévisions, prévoit d'atteindre le seuil des 100 milliards, si ce n'est les dépasser. Après les chiffres, les bilans et “ce tout théorique” sur la lutte contre la contrebande, l'immigration clandestine et le trafic de drogue, il reste cette profonde envie de retracer concrètement les itinéraires que prennent les trafiquants, les pistes et cet espoir d'en croiser un. L'opération est organisée avec la participation de plusieurs patrouilles dispatchées en même temps sur plusieurs points de la frontière. Départ en début de soirée de Maghnia. À peine le portail franchi, des jeunes postés presque en face, s'agitent “imperceptiblement”. Ce sont des “hadhaya”, des guetteurs payés par les contrebandiers pour annoncer tout mouvement de patrouille. Le premier chef de la gendarmerie annonce la couleur : “Il se peut qu'on ne trouve rien. Ces gosses vont lancer l'alerte”, dit-il. Destination le sud de Maghnia, alors que les autres prennent chacun une direction. Après moins d'une heure de route, on voit une voiture garée, au milieu de nulle part, le chauffeur à son poste sans rien faire. Vérification de papiers, fouille minutieuse du véhicule avec assistance d'u chien renifleur. Résultat : un grand “walou” et une lourde question sur ce qui peut bien amener cet individu à stationner au milieu de ce no man's land. D'autres voitures, de passage, sont soumises au même test. Toujours rien. Les premiers doutes surgissent. Poursuite de la “mission” sur la grande route jusqu'à ce que l'asphalte s'efface. Sur le bas-côté de la route, on apperçoit quatre jeunes assis à même le sol, deux mobylettes garées sur l'accotement. “Ils jouent aux cartes !” Raison d'autant plus absurde qu'il n'y a aucune lumière, pas même un clair de lune. Leur fouille ne donne rien. Ils ont des téléphones portables, comme tous les jeunes convertis en guetteurs que les contrebandiers arment de mobiles, puces et cartes de recharge en plus des “frais de mission”. Ils partent à bord de leurs motos. Quelques minutes après, la circulation s'est arrêtée. Aucun véhicule en vue. Confirmation que l'alerte est donnée. La nuit a déjà étalé son voile qui ouvre la voie aux activités nocturnes de la région. Il faut maintenant prendre une piste, poussiéreuse et cahoteuse et qui réserve, peut-être, des surprises. Parfois le projecteur balaie les deux côtés de la piste. Le cortège poursuit son chemin sinueux et poussiéreux. Jusqu'au moment où tout s'immobilise, tout le monde descend rapidement. Au milieu de la piste un âne chargé de quatre jerrycans. Les gendarmes torche à la main courent retrouver le propriétaire de la bête. Les bidons sont vides. L'âne, petite créature quadripède, chétif ne bouge pas. La cargaison est déjà déchargée, l'auteur a pris la fuite. Les bidons enlevés, la selle de fortune, faite de vulgaire toile cousue en double avec de la paille dedans, est fouillée aussi, mais rien. Certains contrebandiers utilisent des jerrycans pour faire traverser le kif. On ne sait pas si Sidi M'barek, nom du village, accorde sa bénédiction à ces trafiquants. Délesté des jerrycans et de sa selle, l'âne rentre sur ordre “chez lui”. Il connaît le chemin. La piste abrupte descend jusqu'au village Hiddes. Le village a été déserté à cause du terrorisme, et maintenant, il reprend doucement vie avec le retour de ses habitants, et petit à petit les activités habituelles de contrebande, surtout de carburant. Aucune information à tirer de ces jeunes, assis dehors si tard dans la nuit. Leurs regards ne sont que méfiance. Retour sur Maghnia plongée dans la profondeur de la nuit. Le silence entoure la ville qui “suinte” une autre vie dans ses interstices, ses lucarnes invisibles, qui guident à distance les activités nocturnes illégales. Après un bref répit, les patrouilles, malgré la conviction que l'alerte est donnée et que la “pêche” ne sera pas intéressante, reprennent le chemin de la traque. La mission va durer ainsi quarante-huit heures. Le bilan sera maigre. Un tracteur sans remorque qui a enfreint l'instruction du wali interdisant la circulation sans remorque. Arrestation de deux Nigérians en provenance du Maroc et saisie de 80,7 grammes de kif traité. Mais au-delà du bilan, faut-il encore savoir que par leur seule présence, les services de sécurité empêchent et bloquent les actions des trafiquants. Car, quand l'alerte est donnée, ils ne bougent pas. Et les services de sécurité de doubler d'intelligence pour contrer la stratégie des trafiquants qui comptent surtout sur le maillage des villes et villages et des itinéraires par les hadhaya. D'ailleurs une proposition pour doter la région d'une brigade spécialisée dans la lutte contre l'immigration clandestine a été faite D. B.