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Ces Algériens qui veulent mourir pour l'Irak
Des dizaines de volontaires pour la guerre
Publié dans Liberté le 08 - 04 - 2003

“Nous voulons nous faire kamikazes”. Hurlé avec fougue et détermination, cet engagement terrifiant cadre mal avec leurs visages juvéniles. Dans le feu qui brûle leurs pupilles et leurs joues, l'insouciance de leurs vingt ans s'est consumée, balayée, anéantie par le déluge de bombes qui chaque jour charrie sur les rives du Tigre et de l'Euphrate des corps d'enfants calcinés. “Nous ne pouvons pas les laisser mourir et rester là indifférentes”, s'écrie l'une d'elles. Emmitouflée dans un voile blanc, la jeune fille fait parler ses yeux et leur confie la description de toutes ces images de sang et de cendres que la télévision a déversées sur sa vie au point de vouloir la sacrifier là-bas en Irak. Balayée, anéantie, l'insouciance d'Ibtissem qui a pris la décision d'aller à Bagdad se jeter, bourrée d'explosifs sur un char yankee. “Wouhouch (des monstres)”, tempête une autre, Fathiya. Elle, ne porte pas le voile. Les cheveux au vent et la tête levée vers le ciel bleu, Fathiya imagine celui-ci envahi par des bombardiers et des avions chasseurs. “Que serait-il advenu de nous ?” se demande-t-elle effrayée. De sa hantise, la jeune fille a puisé un courage inouï. A ses yeux, point de salut pour tous ceux qui laissent semer la mort et regardent mourir des enfants sans lever le petit doigt. “Ce n'est pas parce que notre gouvernement ne fait rien, que nous devons, à notre tour, rester les bras croisés”, dit-elle sentencieuse. Vingt ans, Fathiya aussi n'a que vingt ans. Comment à cet âge, des petits bouts de femme, à peine sorties de l'enfance se laissent-elles gagner par les causes périlleuses des adultes ? Etudiantes, promues à un avenir radieux, pourquoi veulent-elles tant se laisser mourir et se faire cueillir, arrachées comme des roses à peine écloses ? En vingt jours de guerre, Ibtissem, Fathiya et leurs quatre autres camarades de l'université de Boumerdès ont sans doute vieilli. L'horreur des bombardements a définitivement décimé leur existence. Elles sont résolues à partir.
Aller simple payé
Dimanche, siège de l'ambassade de l'Irak à Alger. Il est onze heures. Les six jeunes filles se hâtent à partir. Venues s'enquérir des dispositions à prendre pour rallier Bagdad, elles doivent rentrer vite à la maison pour convaincre leurs parents de leur payer les billets d'avion jusqu'à Damas. “Vos familles accepteront-elles de vous laisser partir ?” leur demande-t-on, un peu incrédule. Immédiate, la réponse est tout aussi stupéfiante. “Nos parents nous soutiendrons. Et puis de toute façon, nous sommes adultes. La décision nous revient”, soutient fièrement Hayet. Originaire d'Adrar, Hayet compte bien sur la bénédiction de son père. “Il sait que mon combat est juste. Il me soutiendra”, assure-t-elle. Jugeant qu'il est inutile de se rendre à la maison pour le convaincre, elle l'appellera juste pour lui demander de lui envoyer l'argent du billet. Escomptant la même attitude bienveillante de la part de ses parents, Nadia est également enthousiaste. Dans son village à Sidi Aïssa dans la wilaya de M'sila, d'autres jeunes ont déjà pris la route pour l'Irak. “Ils sont nombreux”, révèle-t-elle l'air fier. “Des jeunes filles faisaient-elles partie des volontaires ?” Nadia n'en connaît aucune à Sidi-Aïssa. Là-bas, dit-elle, les femmes ne sortent pas. En obtenant son baccalauréat, il y a une année, l'étudiante en électronique a pour sa part pris le train de la liberté. Il l'a d'abord menée à l'université. La jeune fille espère maintenant s'envoler pour Bagdad afin d'insuffler aux petits Irakiens son petit air de liberté. A quel prix ? “Vous avez vu cette Irakienne enceinte qui s'est fait exploser devant une patrouille américaine ? !…” Nadia écarquille les yeux en se représentant cette scène insoutenable. Pour elle, il est évident, sa vie ne vaut guère mieux. Il est midi. Les six candidates au suicide quittent l'ambassade, gratifiées d'une reconnaissance matérielle de leur ralliement : un drapeau irakien frappé du sceau d'“Allah Akbar” (Dieu est grand) et d'un portrait du président Saddam Hussein. Dans la foule des volontaires amassés devant la représentation diplomatique irakienne, chaque visiteur qui franchit le seuil est ainsi remercié pour son engagement. En déroulant le portrait du maître de Bagdad, Sofiane est cependant fort embarrassé. Aussitôt, il replie le bout de carton et le dépose dans un coin de la rue. “Je ne vais pas combattre en Irak pour Saddam, mais contre les Américains”, claironne-t-il. Dans son esprit, il n'y a pas de doute. Saddam est un dictateur. “Je sais qu'il a affamé son peuple, qu'il a utilisé les armes chimiques contre les Kurdes et les chiites. Je le sais”, affirme Sofiane. Mais comme les petites étudiantes de l'université de Boumerdès, lui aussi est interpellé par les images de chaos qui défilent sur les écrans de télévision. A leur instar, lui non plus n'a que son corps pour servir de bouclier à l'offensive des GI's. “Je n'ai même pas passé mon Service national”, avoue Sofiane. Son arme, c'est uniquement sa détermination. Son courage, le désir de faire comme les autres, des jeunes de son quartier de Bab El-Oued qui l'ont précédé sur le champ de bataille. “On m'a parlé de trois autres jeunes à Soustara”, confie-t-il. A vingt-cinq ans, pizzaollo à ses heures perdues, l'enfant de Bab El-Oued, très à l'aise dans ses baskets Nike et bien ancré dans ses convictions anti-US s'en va au Djihad. “C'est un devoir”, soutient-il, le visage grave.
A l'intérieur de l'ambassade, dans le bureau d'accueil aménagé en poste consulaire, les innombrables volontaires qui se succèdent pour servir la cause irakienne brandissent tous un argument similaire. Ils viennent quelquefois seuls ou en petits groupes d'amis solliciter le visa vers l'inconnu, l'improbable retour. Une autorisation d'entrée dans un pays désormais sans barrière, sans autorité, cela peut paraître absurde, sans doute le mythe d'un Etat souverain auquel les autorités de Bagdad s'accrochent encore. Chez les volontaires, cette illusion constitue l'essence même de leur engagement. A leurs yeux, les forces de la coalition ne pourront jamais mettre main basse sur l'Irak. “Dieu est avec nous”, certifie Abdellah. Ancien garde communal natif de Bouira, Abdellah exhibe son torse labouré par les impacts de balles et les traces des accrochages avec les terroristes dans les maquis de Lakhdaria. “La barbarie des Américains n'a rien à envier à celle des GIA”, murmure-t-il dans un profond soupir. C'est ce matin aux aurores qu'il a quitté Bouira pour Alger dans l'espoir de partir au combat contre la plus puissante armée du monde. Cependant, sans le sou, l'ex-garde communal, désormais au chômage, ne peut s'offrir le fameux billet d'avion. A l'ambassade, on le rassure. De généreux donateurs y viendraient tous les jours afin de pourvoir les candidats au départ en frais de déplacement et de séjour. “J'attends. Quelqu'un passera peut-être”, espère Abdellah. Somnolant sur un fauteuil, il regarde défiler les volontaires. Aziz accompagne son frère cadet, décidé à partir. “Moi aussi, je veux aller là-bas. Seulement voilà, mes parents risquent de se retrouver seuls. Nous sommes leur unique progéniture”, explique l'aîné. Le plus jeune, vingt- deux ans à peine, est obstiné. Il a des fourmis dans les jambes et espère rallier l'Irak, le plutôt possible. “Pour moi, il n'y a aucun problème. Je veux juste savoir si effectivement je peux arriver à Bagdad”, demande-t-il inquiet à l'idée de ne pouvoir accomplir “son devoir”.
Desperados en herbe
Il est 13 heures passées. Des passeports verts et rouges s'amoncellent sur le bureau du préposé à l'accueil. Dans deux jours tout au plus, les demandeurs de visa devront obtenir le précieux document. Au préalable, tous doivent justifier d'un billet d'avion et de deux photos. Ils doivent également remplir une fiche de renseignements où la nature de la religion est exigée. A la case portant la mention âge, Yazid note vingt ans. De la souffrance et de la solitude des petits orphelins d'Irak, il mesure l'étendue. Sa mère est décédée depuis trois mois. Elle seule pouvait l'empêcher de se risquer dans la gueule du loup. “Maintenant, je n'ai rien à perdre”. Desperados en herbe, téméraire…Yazid, petit loup de Réghaïa est-il en mesure d'affronter le roi de la jungle ? Il le croit, lui tout comme ce jeune étudiant d'Oum El- Bouaghi et ce groupe d'apprentis architectes de l'école polytechnique d'Alger. Ils sont cinq. Tous convaincus de la justesse de la cause. Se dispensant de l'accord de leurs parents, ils ont troqué Pouillon contre Saladin et veulent revêtir son armure pour chasser les croisés de la terre d'Islam. “El djihad”, s'écrie l'un d'eux. Avec son accoutrement de baba cool et son visage d'enfant, le jeune étudiant n'a guère l'air belliqueux. Dans une long exposé, il explique que la notion de Djihad n'est pas l'apanage des intégristes. “Nous ne sommes pas des islamistes, mais des musulmans. Le sort de nos frères irakiens nous préoccupe”, précise notre interlocuteur très sérieusement. Avec moins de sérieux et un air de fausse contrariété, il se demande comment pourra-t-il convaincre ses parents de lui payer le billet d'avion pour la guerre sainte. “Je ne sais pas s'il est possible de prendre un aller simple”, s'interroge de son côté Ali. Venu de Médéa avec des amis, il compte ses sous. A 25 000 dinars, le fameux ticket est inaccessible pour lui. Aussi, à son tour, Ali compte-t-il sur la générosité de tiers afin de prendre l'avion jusqu'à Damas. Mais une fois là-bas, comment fera-t-il pour passer la frontière. Par qui sera-t-il pris en charge avec ses compagnons de voyage ? “Ce sont nos hôtes. Et chez nous, l'hospitalité est de rigueur”, se contente de dire un fonctionnaire de la chancellerie. Ce dimanche, comme tous les jours depuis le début de la guerre, l'ambassade restera ouverte jusqu'à 19 heures. Selon le policier en faction, des dizaines de volontaires la rallient quotidiennement. Certains arrivent au petit matin. Ils viennent demander le visa pour l'enfer, comme d'autres, à quelques encablures d'ici, dans ce quartier d'Hydra, font la queue devant l'ambassade de France en quête d'un visa pour le paradis.
S. L.
Les campus à l'heure du pragmatisme
Durant la première guerre du Golfe en 1991, les étudiants étaient les premiers à sortir dans la rue pour s'opposer à la campagne militaire contre l'Irak. Plus d'une décennie s'est écoulée, et des manifestations de ce genre ne semblent pas être une priorité pour la communauté estudiantine. Certes, intra-muros, l'état d'urgence et l'interdiction des marches dans la capitale constituent des obstacles insurmontables. Cependant, rien n'empêche une mobilisation à l'intérieur des campus. Or, cela ne semble pas être le cas, du moins à la faculté de droit de Ben Aknoun. Du côté des organisations estudiantines, l'exemple du bureau local de l'Union générale des étudiants algériens est très illustratif. La seule action inscrite au programme de solidarité avec le peuple irakien est une journée d'étude. “Nous pensons à une collecte de sang et d'argent mais nous n'avons encore rien décidé”, dit un militant. A l'Union générale des étudiants libres (UGEL), affiliée au MSP de Nahnah, la notion du Djihad, pourtant si chère aux islamistes, n'est pas une priorité. Le chef du bureau local préfère parler d'actions de proximité.
Combien sont-ils ?
Sans doute plus d'une centaine, on n'en sait rien. Au siège de l'ambassade d'Irak, les fonctionnaires se refusent à fournir des statistiques sur le nombre de volontaires algériens déjà partis en Irak et sur le nombre des demandes de visas enregistrées quotidiennement. “Nous n'avons pas de chiffres à vous donner”, affirme l'attaché à l'information. Quelle est la raison qui motive la rétention d'une telle information ? Est-ce pour ne pas embarrasser le gouvernement algérien ? Quoi qu'il en soit, dans l'enceinte de la chancellerie, les occupants ne manquent pas de saluer la bravoure des volontaires. “Que voulez-vous, quand les gouvernements faillissent, ce sont les peuples qui prennent le relais”, regrette-t-il.


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