La compagnie ne reprendra plus le ciel. Le ministre des Transports, M. Sellal, a annoncé, hier, au forum d'El Moudjahid “la suspension incessamment du certificat de navigation de cette compagnie”. Après avoir évoqué de “crash financier” de la compagnie privée, le ministre indiquera qu'“il n'y a plus rien à faire pour son sauvetage”, malgré tout ce qui a été tenté afin de maintenir un minimum de service public. Avec le retrait, maintenant officiel, de l'AOC, autorisation de navigation, c'est pratiquement l'avis de décès de cette compagnie qui est annoncé. Avec son franc-parler traditionnel, M. Sellal s'embarquera dans une série d'explications, sans escale, pour dire qu'il “y a eu une non-gestion flagrante” au sein de la compagnie privée. Face à l'étendue des dégâts, suite à cette débâcle en plein ciel, conjuguée au besoin du marché algérien dans le secteur aérien, au lendemain de la disparition de Khalifa, le ministre se veut rassurant. Le transport aérien national a connu cette année 3 chocs, relève-t-il, c'est-à-dire la faillite de Air Lib, le “crash de Khalifa” et la catastrophe du Boeing d'Air Algérie à Tamanrasset. Les retombées de cette situation pesante, en prévision de la saison estivale et de la prise en charge du fort taux de demande, ont poussé le ministère, selon M. Sellal, à mettre en place une stratégie, avec comme acteurs, Aigle Azur, Air Littoral et surtout Air Algérie qui sera renforcée dans sa mission en termes de logistique et de flotte. L'aiguillage de Sellal est orienté notamment en direction du “trou” provoqué par Khalifa Airways dans le transport domestique où elle était présente à hauteur de 52% du marché. Ce sont donc sur les lignes intérieures, fait-il savoir, que le choc sera ressenti, d'autant qu'elle desservait pratiquement en monopole quelque 7 aéroports à l'est et à l'intérieur du pays. En conséquence, dit-il, le gouvernement a décidé d'agir et de se pencher sur cet espace laissé par Khalifa au même titre que les engagements pris par cette compagnie avec des organisme étrangers. “Il s'agit de sauvegarder l'intérêt national”, relève le ministre en déclarant qu'Air Algérie pourrait par subrogation se porter acquéreur des 11 avions ATR, initialement commandés par Khalifa Airways sous plusieurs formes, d'autant que cette dernière avait payé à titre d'avance 15 à 20% au constructeur. La décision a été prise cette semaine. La flotte de Khalifa étant actuellement sous séquestre, poursuit M. Sellal, l'intérêt étant qu'Air Algérie prenne le relais dans ces transactions pour acquérir en toute propriété ces avions, dont 8 seraient encore en chantier, alors que 3 sont déjà prêts. Cela participe à la mise en œuvre du plan d'action où Air Algérie lancera, à partir de ce mois, une opération de renouvellement de sa flotte. Ne s'arrêtant pas là, M. Sellal explique que sur les 300 pilotes envoyés en stage par Khalifa, “il existe une volonté de récupérer certains d'entre eux qui sont arrivés à un stade final de leur formation”. Le dossier Khalifa est très complexe, du fait de l'interdépendance — finalement suicidaire — entre la compagnie aérienne et la banque. Si le ministre reconnaît que le marché existait pour l'opérateur privé, il n'en demeure pas moins que les difficultés actuelles ont fini par sceller son sort. La compagnie Khalifa a perdu jusqu'à toute possibilité d'assurance et accumulé des dettes envers certaines, allant jusqu'à 3 millions de dollars. Sur le renforcement des liaisons internationales, il précisera que le programme repose sur la participation active d'Aigle Azur, inscrite au vol jusqu'en octobre prochain, pour des dessertes à partir de Paris notamment. Outre l'apport attendu d'Air Littoral, le ministre table sur un grand retour d'Air Algérie, après la décision d'acquérir une nouvelle flotte, financée par des emprunts syndiqués (pools bancaires) et le recours aux affrètements. Interrogé sur l'investissement privé national dans le secteur aérien qui commence à s'annoncer, notamment le lancement de Rym Airlines, filiale de la BCIA Bank, M. Sellal confirmera l'option politique à encourager de telles initiatives. Cette compagnie, dont le directeur général déclare avoir rencontré des difficultés pour “importer” ses 3 Boeing 737-200 acquis avec l'accord des autorités, sera soumise au passage obligatoire de l'inspection Vérital, indiquera le ministre, reconnaissant la vigueur des textes, “non pas pour verrouiller le ciel”, mais, dit-il, pour préserver “l'intérêt de tous”. Manière de recommander aux futurs investisseurs, après l'affaire Khalifa, de bien serrer leur ceinture avant le décollage. Enfin, le ministre atterrira dans ses éclairages pour prendre le large et aborder la stratégie du transport en général en Algérie, passant des chemins de fer, les routes, le maritime où il se fixera au niveau des ports, pour déclarer la nécessité de séparer la fonction d'autorité de l'Etat et celle de commerce. A. W.