La première visite hors d'Europe du nouveau président français ne va finalement pas se passer comme il l'entendait. Conscients de la rivalité entre Alger et Rabat, les services de l'Elysée ont tenté d'épargner les susceptibilités sachant qu'ils étaient guettés par l'un et l'autre de leurs partenaires. Une visite dans les deux pays, dans le cadre d'une tournée maghrébine, est apparue comme la meilleure solution. Et le projet de l'union méditerranéenne de M. Sarkozy offrait l'occasion d'une prise de contact. Là aussi, pourtant il fallait savoir par quel pays commencer et compter le temps devant y être passé. Au final, il a été convenu d'entamer la visite par Alger et de la finir à Rabat avec la possibilité jamais officiellement évoquée d'y passer la nuit. En présentant, hier, ce déplacement, le porte-parole de la présidence française, David Martinon, a fait état de la suppression de l'étape marocaine. M. Sarkozy se rendra donc le 10 juillet en Algérie et le 11 en Tunisie. Son objectif tel que présenté par son porte-parole : réaffirmer “l'amitié profonde” de la France pour ces pays et présenter son projet d'union méditerranéenne. “Une troisième étape était prévue au Maroc, mais elle a dû être reportée à la demande des autorités marocaines pour des raisons de calendrier”, a dit le porte-parole de la présidence, David Martinon. Un report annoncé 48 heures après un bref détour à Paris du ministre marocain des Affaires étrangères, Mohamed Bénaïssa, qui a rencontré M. Sarkozy et, dans un autre cadre, son homologue israélien. Si M. Martinon invoque le calendrier pour justifier le report pour la deuxième quinzaine d'octobre de la visite à Rabat, des sources autorisées marocaines ont parlé de leur souhait d'une visite d'Etat qui dure plus longtemps que les quelques heures initialement prévues. Cela, dit-on, en "raison de l'excellence” des relations entre les deux pays et “de l'amitié entre le roi Mohammed VI et Nicolas Sarkozy”. Une visite d'Etat à Alger est aussi prévue pour l'automne. La date n'est pas encore fixée, mais elle interviendrait en novembre ou décembre. C'est du moins la date envisagée avant la modification souhaitée par Rabat. M. Sarkozy arrivera donc à Alger le 10 juillet. Il aura un entretien suivi d'un déjeuner de travail avec son homologue Abdelaziz Bouteflika puis se rendra à Tunis, où il aura également un entretien et un dîner de travail avec le président Zine El-Abidine Ben Ali. Le porte-parole de l'Elysée a affirmé que “l'intérêt de Nicolas Sarkozy pour le Maghreb est ancien”, rappelant les nombreuses visites qu'il a effectuées dans la région en tant que ministre de l'Intérieur, des Finances ou président du parti de droite UMP. La dernière visite de M. Sarkozy en Algérie remonte à novembre 2006 et il avait alors longuement rencontré M. Bouteflika. “Ce sont deux hommes qui s'apprécient énormément”, a assuré M. Martinon qui a fait l'impasse sur les profondes divergences entre les deux hommes sur le thème de la repentance. Il a aussi minimisé l'enterrement du traité d'amitié, estimant que l'amitié se manifeste “plutôt par des actes concrets que par des déclarations”. Selon M. Martinon, cette visite au Maghreb a “deux objectifs” : “honorer l'amitié à la fois unique et indéfectible qui unit nos peuples et nos pays” et “présenter l'idée de l'union méditerranéenne à nos partenaires maghrébins ayant naturellement vocation à en être les piliers”. Cette union a l'ambition de rassembler les pays du pourtour méditerranéen, comme la Turquie qui, selon M. Sarkozy, n'a pas vocation à intégrer l'Union européenne, mais à avoir avec l'Europe des liens privilégiés. “Avec les pays de l'espace méditerranéen, je souhaite que nous bâtissions une union pour relever ensemble, et avec succès, les défis qui nous sont communs”, écrivait en mai M. Sarkozy dans un message à M. Bouteflika. “Dans cette entreprise ambitieuse et tellement nécessaire, je sais que je pourrai compter sur votre soutien et sur votre détermination”, ajoutait le président français qui rêve d'une alliance entre la société Gaz de France et Sonatrach pour assurer l'approvisionnement énergétique de son pays. M. Sarkozy a tenu, jeudi, une réunion spéciale consacrée à ce sujet. Autour de lui, il y avait le Premier ministre, François Fillon, et la ministre de l'Economie et des Finances Christine Lagarde. Un accord capitalistique entre GDF et Sonatrach a été exclu. Il faut dire que le projet n'a jamais soulevé l'enthousiasme des autorités algériennes. Y. K.