Nicolas Sakozy ne fera pas d'escale au Maroc lors d'une petite tournée maghrébine. Le nouveau président français visitera la Tunisie et l'Algérie, le tout, ramassé en 48 heures. Même si cette visite avait été annoncée depuis plusieurs semaines, Rabat n'a exprimé sa demande de report qu'à trois jours de la venue de l'actuel occupant du palais de l'Elysée. Mieux. Taieb Fassi Fihri, ministre délégué marocain aux Affaires étrangères, a été le premier à être informé du projet de Nicolas Sarkozy de se rendre au Maghreb, lors de sa visite à Paris le 20 juin 2007. Compte tenu de ce fait, l'argument de « raison de calendrier » avancé par Rabat pour justifier l'annulation de l'étape marocaine du chef de l'Etat français semble faible. Surtout que Mohamed Benaïssa, ministre des Affaires étrangères, était également en visite à Paris, le 4 juillet 2007, où il a eu des contacts avec des responsables français. A la faveur de son séjour parisien, le chef de la diplomatie marocaine a eu des entretiens avec Tzipi Livni, ministre israélienne des Affaires étrangères. Tzipi Livni a rencontré aussi Mohamed Yassine Mansouri, chef du contre-espionnage marocain (DGED). Discrètement, Paris joue un rôle « d'intermédiaire » pour rapprocher les points de vue du Maroc et d'Israël, pays liés par des relations diplomatiques mais qui passent par une longue période de froideur. « Nous avons des intérêts communs, Israël et les Arabes modérés. Nous avons les mêmes préoccupations, nous affrontons les mêmes menaces... », a déclaré, à la presse, Tzipi Livni. A la mi-juin 2007, et à Paris, Mohamed Benaïssa a décoré de l'ordre du Wissam Al Alaoui (Légion d'honneur) plusieurs personnalités françaises dont Laurence Parisot, présidente du Mouvement des entreprises de France (Medef), Henri Proglio, PDG de Veolia et Robert Asvazadourian, directeur du protocole du Quai d'Orsay. Le Maroc est le premier pays à avoir annoncé son grand intérêt pour le projet d'Union méditerranéenne de Sarkozy. Mohamed Benaïssa a déclaré que son pays souhaitait être associé « le plus en amont possible à cette réflexion » estimant que cette initiative peut contribuer à régler « les questions politiques », notamment en Afrique du Nord. Dialogue « étroit » L'idée d'une Union méditerranéenne sera abordée par Sarkozy à Alger et à Tunis. Alger n'a pris, jusque-là, aucune position par rapport à ce projet dont la visée stratégique apparente est d'écarter la Turquie d'une adhésion à l'Union européenne (UE) et neutraliser, à la longue, le projet d'une Union du Maghreb (UMA). Officiellement, la France et le Maroc entretiennent un dialogue politique « étroit et régulier ». Sur le fond comme sur la forme, les deux pays sont d'accord sur l'essentiel. En tant que responsable de l'UMP (droite au pouvoir), ou en tant que ministre de l'Economie ou de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy a visité au moins cinq fois le royaume chérifien, ces deux dernières années. Le roi Mohammed VI a qualifié, dans son message de félicitations après la présidentielle de mai 2007, Sarkozy de « militant infatigable des causes justes ». Mohammed VI s'est félicité « des liens séculaires, profonds et multiples » qui unissent le Maroc à la France. Paris avait salué la tenue, à la mi-juin à New York, d'un premier round de négociations entre le Maroc et le Front Polisario et a espéré que le processus qui vient de s'ouvrir pourra déboucher sur une solution politique « agréée par l'ensemble des parties dans le cadre des Nations unies ». Une position d'apparence neutre mais qui est plutôt proche des thèses de Rabat. La France est le premier partenaire commercial du Maroc, où vivent 30 000 Français. Elle est son premier client puisqu'elle lui achète un tiers des exportations. La France est également le premier fournisseur du Maroc avec 18% des parts de marché en 2006. Elle arrive en tête des investisseurs étrangers dans le pays (presque 70%). Le nombre des entreprises françaises au Maroc est cinq fois supérieur à celui de l'Algérie. Plus de 25% des touristes qui entrent au Maroc sont d'origine française. Chaque année, Rabat et Paris tiennent un séminaire inter-gouvernemental consacré au partenariat et ont créé le Groupe d'impulsion économique qui agglomère les principaux hommes d'affaires du pays. Eu égard à ces paramètres, Rabat veut, a priori, que Sarkozy fasse comme Chirac en 2003, organiser une visite d'Etat, avec faste, baroud et flonflons. D'où le report de la visite à octobre 2007. Rabat a soigneusement laissé l'initiative à Paris d'annoncer ce report. Pressé par les journalistes d'en expliquer les fondements, David Martinon, porte-parole de l'Elysée, a eu cette réponse, vendredi 6 juillet : « Je ne peux pas être le porte-parole du roi. Le roi a, apparemment, des obligations. » Avant de dresser l'agenda, la présidence française aurait théoriquement pris en compte « les obligations » royales. Pourquoi ce changement de programme qui, visiblement, parait étudié entre les deux capitales ? Mystère. A moins que Rabat n'ait pas apprécié d'être visité en dernier après Alger et Tunis. La presse marocaine est restée silencieuse hier sur ce report autant que les officiels. Quelques bribes d'information avaient circulé la semaine passée sur « un accueil avec tous les honneurs » du président français à Oujda, aux frontières avec l'Algérie. Oujda où Mohammed VI se trouve depuis plusieurs jours pour une longue tournée. L'Algérie sera donc le premier pays hors Europe à être visité par Nicolas Sarkozy qui sera accompagné par le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, et par la secrétaire d'Etat chargée des Droits de l'homme, Rama Yade. « Aucun sujet ne sera tabou dans ses contacts », a dit David Martinon. « Nicolas Sarkozy fait le service minimum au Maghreb », a écrit le quotidien économique français La Tribune.