Depuis la chute de Bagdad, point de trace du dictateur. Où est donc passé Saddam ? Sur toutes les lèvres, cette question ne semble pas préoccuper outre mesure les Etats-Unis. “Maintenant que le régime irakien s'est effondré, son sort (le président irakien NDLR) n'est pas vraiment important”, a affirmé le secrétaire d'Etat, Collin Powell, jeudi dernier, dans un entretien à une chaîne de télévision indonésienne. Seule compte aux yeux du chef de la diplomatie américaine la chute du régime. “Nous ne savons pas s'il est mort ou vivant. Mais il est évident qu'il ne contrôle plus le pays”, a-t-il estimé. Lors d'une visite hier, au QG des forces de la coalition internationale à Baghram, en Afghanistan, le commandant des opérations militaires armées en Irak, le général Tommy Franks s'est montré tout aussi indifférent à la destinée du maître déchu de Bagdad et de sa suite. “Ils sont morts ou ont fui comme des lapins”, a-t-il exulté. A Washington, bien que l'on se garde d'être triomphalistes, les proches du président savourent à demi-mot la décapitation de l'Etat irakien. “Le régime de Saddam est fini”, s'est félicité Ari Fletcheir, porte-parole de la Maison-Blanche. Dans Bagdad “libéré”, ces palais vides de la nomenklatura, pris d'assaut par les GI's puis livrés à la razzia, témoignent en effet de la fin du régime. Souvent, leurs occupants contraints rapidement au départ, n'avaient d'autre choix sinon abandonner aux pilleurs leurs richesses. Un habitant de la banlieue de la capitale irakienne racontait à une chaîne de télévision, comment un dignitaire du régime, cousin de Saddam, a quitté sa maison au petit matin, embarqué sous la brume avec sa famille dans une vieille voiture. Dans le garage de sa luxueuse villa, il aurait laissé sa Mercedes, et dans les murs de son salon, les fastes d'une vie confortable sous l'embargo. Dans le palais d'Oudaï, fils aîné de Saddam, seul un lustre trop haut a échappé aux mains des pilleurs. Qu'auraient fait ces mains si elles avaient attrapé son propriétaire ? Tout comme son père, le fils savait qu'outre les Américains, plus sans doute, la population affamée et muselée allait savamment se venger. Saddam, sa famille et ses proches ont-ils alors préféré quitter le navire, sachant que le soutien populaire dont ils se prévalaient est pur mensonge ? Dans la ville natale du “zaïm” à Tikrit, les troupes américaines auraient découvert des avions légers que les candidats à l'exil forcé voulaient visiblement prendre pour quitter le pays. De toute évidence, ils n'y sont pas parvenus. Où sont-ils donc passés ? Le président déchu est-il dans quelque bunker aux parois tentaculaires lui permettant, pourquoi pas, de traverser la frontière ? S'est-il réfugié à l'ambassade russe ? Pour étayer cette hypothèse, certaines voix évoquent le récent voyage effectué en Russie par Mme Rice, la conseillère du président Bush à la sécurité nationale, pour demander au Kremlin d'accueillir Saddam. L'ancien maître de Bagdad a-t-il de ce fait négocié sa reddition dans l'ombre alors qu'il promettait en public d'infliger une défaite sans pareil aux forces de la coalition ? Tout est possible. Il est probable aussi qu'il soit effectivement tué, peut-être dans le bombardement du restaurant L'horloge, à Bagdad, la semaine dernière où il aurait tenu une réunion. C'est devant ce restaurant que Saddam est apparu au milieu d'une foule de sympathisants...une dernière fois. S. L.