Le numéro 2 du Pentagone a averti que la France devra “payer un prix” pour son opposition à la guerre. Après l'effondrement du régime irakien, le “camp de la paix” tente de rattraper le temps perdu. Maintenant que la guerre est presque finie, l'heure des comptes est arrivée et on va se mettre à parler business. Ceux qui n'ont pas été du côté des Américains vont durement subir les conséquences de leur opposition à la stratégie de Washington. La déclaration du premier secrétaire américain adjoint à la Défense, Paul Wolfowitz illustre, on ne peut mieux, le sentiment qui prévaut à la Maison-Blanche à l'égard du “camp de la paix” mais aussi et surtout au sort qui leur sera réservé. “Le comportement des Français, d'une certaine façon, a été très néfaste pour l'Otan, pas seulement avec nous mais aussi avec les autres pays qui pensent la même chose”, a déclaré ce responsable. Il a également averti que la France devra “payer un prix” pour son opposition à l'intervention militaire américaine en Irak et particulièrement son veto à une assistance de l'Otan à la Turquie. Le président français est désormais montré du doigt alors que les Irakiens accueillent les Américains en libérateurs. Confronté aux images de réjouissances à Bagdad, Jacques Chirac va désormais devoir jouer serré pour remettre la France dans le jeu diplomatique. Le premier acte de cette partie de poker a commencé, hier, lors du sommet des antiguerre à Saint-Pétersbourg, en Russie. Cette dernière, la France et l'Allemagne, principales puissances opposées à la guerre en Irak, sont dans la tourmente et seront dans l'obligation d'adopter un ton conciliant à l'égard des Etats-Unis. Elles se sont réunies pour se concerter sur l'attitude à adopter en Irak après la victoire américaine dans une guerre qu'elles avaient tenté vainement d'empêcher. Jacques Chirac a été convié dans l'urgence à se joindre à Vladimir Poutine et Gerhard Schr?der, dont la rencontre était prévue depuis longtemps dans cette ville, quand le régime de Saddam Hussein a commencé à s'effondrer. Ils doivent désormais affronter une administration américaine qui n'a pas digéré l'opposition du “camp de la paix” lors de la phase diplomatique de la crise irakienne et ne s'est pas étendue sur la signification qu'elle attache au “rôle vital” dévolu par George W. Bush à l'Onu dans la reconstruction de l'Irak. A la veille de ce sommet, Jacques Chirac et Gerhard Schr?der ont salué la chute du régime de Saddam Hussein à Bagdad mais ont exprimé leur inquiétude quant au sort humanitaire du peuple irakien et réaffirmé la nécessité de confier à l'Onu un rôle central dans la reconstruction. Vladimir Poutine, plus prudent, soucieux de maintenir un équilibre entre son opposition à la guerre et son amitié avec Washington, consécutive au 11 septembre 2001, s'est refusé, pour sa part, à tout commentaire depuis que les forces américaines ont annoncé avoir sécurisé le centre de Bagdad. Mais, hier, au premier jour de ce sommet, le président russe est sorti de sa réserve et a salué lui aussi “la chute du régime de Saddam Hussein”, tout en déplorant les destructions et les victimes engendrées par la guerre. Vladimir Poutine a déclaré également que la Russie et l'Allemagne jugent essentiel de faire revenir le règlement du problème irakien dans le cadre de l'Onu. Autrement dit, le camp de la paix ne veut pas être écarté de la gestion de l'après-guerre et de la reconstruction de l'Irak avec tous ses dividendes financiers que la coalition américano-britannique ne veut aucunement partager. R. B.