Sans nouvelles de leurs enfants depuis près de trois mois, les parents de 10 jeunes harragas de Annaba ont décidé de s'organiser en association pour rechercher ces derniers où qu'ils soient et “à n'importe quel prix”. Cette initiative fait suite, selon M. Belabed Kamel, l'un des représentants de cette association informelle “au peu d'empressement affiché par les autorités algériennes à retrouver ne serait-ce qu'une trace des 10 jeunes gens, fussent-ils morts ou emprisonnés dans l'un ou l'autre des pays des deux rives de la Méditerranée”. Toujours selon ce père, aucune des démarches effectuées par les familles auprès du ministère des Affaires étrangères et des représentations diplomatiques algériennes en Tunisie et en Italie, notamment, n'ont eu de suite, ce qui ajoute à leur désarroi. “Nous n'avons pourtant ménagé aucun effort dans notre quête de vérité, n'hésitant pas à faire de longs et contraignants déplacements entre Alger et Tunis. À l'affût de la moindre information, nous accourions vers ce pays, dès qu'une rumeur faisait état d'immigrés clandestins interceptés ou de cadavres repêchés, là-bas. Nous avons demandé, sans y parvenir à chaque fois, à visiter les morgues et les prisons. Ceci en expliquant à quiconque voulait bien nous écouter que nous comprenions les lois internationales régissant le phénomène de l'immigration clandestine. Par cette démarche, nous voulions juste être rassurés sur le sort de nos enfants. Les savoir en prison ou dans un centre d'accueil de réfugiés même dans les pires conditions de détention nous rassurera certainement.” M. Belabed, dont le fils âgé de 25 ans faisait partie de l'équipée de 10 clandestins qui avaient embarqué le 17 avril dernier depuis la plage de Sidi-Salem, fait une priorité absolue de cette opération de recherche désespérée. Toutes affaires cessantes, il a entrepris de fédérer les parents des compagnons d'infortune de son propre enfant et d'entamer les contacts avec tous les organismes susceptibles de les aider. Après avoir pris attache avec les corps de sécurité et les garde-côtes au niveau local à Annaba, il a adressé des correspondances aux ambassades et consulats des pays qui se trouvent sur l'itinéraire supposé emprunté par les harragas algériens en direction de l'Italie. Aidé en cela par les autres parents, il a rédigé et rendu public à une large échelle un avis de recherche comportant les photos et l'identité des 10 disparus. “Nous sommes déterminés à faire l'impossible pour savoir ce qu'il est advenu d'eux, nous ne pourrons jamais faire le travail de deuil de nos enfants si nous restons dans l'état actuel des choses. Il y a parmi nous qui sont devenus dépressifs et deux d'entre les chefs de famille parlent sérieusement de suicide tant leur désespoir est grand.” Il y a certes eu des gestes de soutien et de compassion envers les familles éplorées, affirme M. Belabed. Ils ont été exprimés par de simples citoyens qui se proposent d'aider avec les moyens dont ils disposent. “Mais ceci ne saurait suffire malheureusement”, regrette notre interlocuteur, avant de conclure en disant qu'une faible lueur d'espoir viendrait de l'ambassadeur d'Italie à Alger, lequel a assuré, par écrit, de sa solidarité agissante, promettant même de sensibiliser les autorités de Malte sur le cas des disparus. En attendant, les familles continuent à scruter l'horizon de la grande bleue en gardant un œil sur Internet pour recueillir toutes les informations sur les cas d'immigration clandestine rapportés çà et là. On affirme à Annaba, pour ne citer que cette région du pays, que les candidats à la “harga” sont de plus en plus nombreux, surtout que les conditions climatiques sont plutôt favorables à l'aventure. A. ALLIA