L'Algérie vient d'accueillir un groupe de cent vingt-six médecins spécialistes cubains “dans le cadre de la coopération” entre les ministères de la Santé des deux pays. Ils seront plus de deux cents à exercer au Sud et dans les Hauts-Plateaux d'ici à la fin de l'année. L'information ne dit pas ce que le ministère national a envoyé, en échange, à nos amis cubains. Si rien, ni personne n'a été ni sera expédié dans les Antilles en échange de l'apport cubain en docteurs, ce n'est plus de la coopération. Ce sera de l'aide ou simplement un recrutement de médecins étrangers, même si l'opération a été formalisée entre Etats. Le problème de pénurie de médecins dans l'intérieur du pays est aussi vieux que notre système de santé. Le diagnostic en la matière a été fait et refait : sans motivation particulière qui les pousserait à aller vers l'intérieur du pays, les médecins nationaux préfèrent, dans l'ordre, s'installer en cabinet privé dans les grandes villes du Nord, se faire recruter en clinique privée ou exercer dans un CHU ou un hôpital toujours sur le littoral… D'autres s'exilent en France notamment. Depuis quelques années, l'Amérique et l'Europe expriment une forte demande en personnel médical, en effet. La Grande-Bretagne, à elle seule, a débauché quelque dix mille médecins étrangers ces cinq dernières années. Cuba, qui a une surproduction de médecins par rapport à ses besoins, est souvent sollicité pour couvrir les déperditions de médecins que connaissent les pays d'Afrique notamment. Mais presque toujours contre une compensation financière. Malgré la clarté apparente de la problématique, l'Algérie ne semble pas avoir pris la mesure de l'urgence de la question de l'encadrement médical du pays. Sur le plan de la formation, la filière n'est pas spécialement favorisée. Les compétences ne sont pas encouragées à encadrer les étudiants et les résidants ; et beaucoup de spécialités sont frappées d'un numerus clausus qui laisserait croire qu'elles seraient en sureffectif de personnel qualifié. Sur le plan des conditions de travail, les médecins se plaignent d'une charge de travail qui n'est pas en rapport avec la rémunération proposée, et surtout pas avec la norme de qualité de soins. Il ne semble pas y avoir, non plus, de politique d'équilibre régional. Peut-être est-il plus facile à une administration de dégager des logements pour des médecins étrangers sur injonction centrale que de prévoir des structures d'accueil qui attireraient les médecins locaux. La régression d'un secteur qui, au plan académique, tenait un rang plus qu'honorable dans la médecine internationale, s'est spectaculairement manifestée par la résurrection endémique de maladies moyenâgeuses comme la typhoïde ou même la peste. Le recours à l'importation de médecins, en même temps qu'elle constitue une autre manifestation de l'échec, traduit la tendance du système rentier à se dispenser de prévision. Au milieu des années 1980, il y a eu le PAP (programme anti-pénurie de biens de consommation). Cette culture du PAP semble nous dispenser de stratégie dans presque tous les secteurs : pourquoi s'embarrasser de projections puisqu'on aura de quoi importer quand le besoin se fera sentir ? M. H. [email protected]