Le président pakistanais Pervez Musharraf fait face à sa plus grave crise en huit ans de pouvoir, après une décision de justice qui compromet sa réélection, alors que le pays vit une vague d'attentats islamistes sans précédent. La Cour suprême lui a infligé un camouflet cinglant vendredi sous les vivats de nombreux manifestants et un concert de klaxons dans les grandes villes. Le juge Iftikhar Mohammed Chaudhry a été suspendu le 9 mars par le général Musharraf. 10 des 13 juges ont déclaré cette suspension “illégale” et ordonné l'abandon des accusations qu'il avait produites devant la justice pour motiver la suspension du juge Chaudhry pour “fautes professionnelles et abus de pouvoir”. À plusieurs reprises, le magistrat avait laissé entendre que la Constitution ne permettait pas au chef de l'Etat sortant de se représenter avant les législatives, la loi fondamentale imposant qu'il abandonne avant la fin de 2007 sa casquette de chef des armées, que le général Musharraf cumule avec celle de président depuis son coup d'Etat du 12 octobre 1999. Le président Musharraf n'a jamais fait mystère de son intention de briguer un nouveau mandat devant le Parlement sortant, qui lui est acquis, avant les législatives prévues pour fin 2007-début 2008, tout en conservant la direction de l'armée. Ce revers politique pour le président Musharraf intervient alors que le pays est endeuillé chaque jour par une vague d'attentats suicides qui ont fait au moins 200 morts en une semaine. Pour couronner le tout, le porte-parole de la Maison-Blanche, Tony Snow, a déclaré jeudi que le président George W. Bush n'excluait pas des attaques aériennes ciblées dans les zones tribales du nord-ouest du Pakistan. Les Américains placent ainsi le président Musharraf dans une position des plus inconfortables, pris entre la forte influence dans son pays des fondamentalistes pakistanais pro-talibans et favorables à Al-Qaïda et son rôle d'“allié-clé” de Washington dans sa “guerre contre le terrorisme”. L'administration américaine a ouvertement accusé ces derniers jours le pouvoir pakistanais d'avoir laissé les talibans et Al-Qaïda reconstituer leurs forces dans les zones tribales frontalières avec l'Afghanistan. Djazia Safta/agences