Les cours du marché mondial du blé viennent de faire un bond spectaculaire qui risque d'avoir des répercussions directes sur beaucoup de pays, notamment l'Algérie. Le blé dur, qui était cédé à 60 dollars US , est passé à 180 dollars la tonne. Les analystes des transactions liées aux céréales n'excluent pas que la tendance à la hausse poursuivra son cours. Les plus alarmistes parmi eux n'hésitent pas à dire que les cours peuvent atteindre jusqu'à 375 dollars dans les semaines ou mois à venir. Une situation qui ne peut que bouleverser la donne chez nous. Pour ceux qui l'auraient oublié, l'Algérie est l'un des 7 premiers importateurs de blé au monde. Les besoins nationaux oscillent entre les 1,5 et 2 millions de tonnes de blé dur et annuellement, on importe 1,5 million (dont 45% de la France). Ce qui fait que la facture annuelle du blé est estimée à presque 1 milliard de dollars. Une situation qui rend notre pays entièrement dépendant du prix de cette matière première alimentaire qu'on importe de France, des Etats-Unis, du Canada, ainsi que des pays de l'Europe de l'Est dont l'Ukraine. Les raisons de cette flambée des prix du blé sont multiples et dues principalement aux changements climatiques et aux énergies renouvelables. Ainsi, l'an dernier, l'hiver a été trop froid en Ukraine et l'automne trop sec en Australie, les deux pays étant deux gros producteurs de blé, cela avait donné une production mondiale en baisse de 5%. Cette année, si en Europe les pluies ont été rares (en mars et avril), elles ont été abondantes aux Etats-Unis, qui est le troisième producteur mondial de blé. Ces caprices du ciel influent beaucoup sur les marchés mondiaux du blé et les réserves ne cessent de décroître. L'autre raison de la hausse des prix du blé est la montée en puissance des prix des biocarburants provoquée par les fluctuations du pétrole. Cette énergie renouvelable, qui prend de plus en plus de place dans les programmes de plusieurs pays, est devenue l'axe de l'indépendance énergétique vis-à-vis de l'or noir dont les prix s'envolent. Ce qui fait que les superficies traditionnellement réservées au blé dur sont utilisées pour la production exclusive du maïs, qui donne le carburant vert, l'éthanol. Les Etats-Unis et le Brésil mettent le paquet sur cette énergie renouvelable. En plus du climat et de la préparation de l'après-pétrole, la pression de la demande a beaucoup augmenté depuis une année. Soit depuis l'entrée de l'Inde dans la catégorie des importateurs à laquelle il n'appartenait pas. En 2006, ce pays a acheté 6 millions de tonnes, soit l'équivalent de 1% de la production mondiale. En 2007, la Chine emboîte le pas à son voisin et devient ainsi importateur de blé. Ces deux pays sur le marché, c'est l'équivalent de 3 milliards de nouveaux consommateurs et les prix à la hausse du blé devaient donc suivre. Les conséquences ne se sont pas fait attendre. Ainsi, l'Ukraine vient de décider de ne plus exporter. Aussi plusieurs confédérations de boulangers en Europe (par exemple en Belgique) se sont résolues à une augmentation des prix du pain. D'autres décisions sont attendues surtout dans les pays en voie de développement et les conséquences risquent d'être dramatiques. Les dépenses globales d'importation alimentaire devront donc de plus en plus augmenter d'au moins 10% cette année et peut-être plus si le marché du blé dur subit d'autres rebondissements. C'est dire qu'on peut s'attendre à ce que l'Algérie soit touchée de plein fouet par les fluctuations du marché et l'Algérien risque de s'en apercevoir dans sa vie quotidienne. Salim KOUDIL