L'Algérien dépense de plus en plus pour se soigner, et les derniers chiffres donnés par le Centre national de l'informatique et des statistiques des Douanes algériennes en donnent la meilleure illustration. La facture des médicaments a atteint, lors du premier semestre de 2007, un chiffre record jamais établi jusqu'à ce jour en Algérie. Plus de 664 millions de dollars ont été dépensés en termes d'importations pour cette période, soit une augmentation de plus de 36% par rapport au premier semestre de l'année passée. Il faut s'attendre à ce que la facture avoisine les 1,5 milliard de dollars pour cette année. Ce chiffre vient, encore une fois, démontrer la situation dans laquelle se retrouve le marché dans notre pays où 80% des médicaments sont importés. Les prévisions laissent supposer que le montant de la facture va atteindre des propensions énormes dans les prochaines années. Selon l'Union nationale des opérateurs algériens (UNOP), les importations risquent d'atteindre 6 milliards de dollars par année et d'ici 2010, l'Algérien devra dépenser près de 100 dollars par an en médicaments. Les explications sur ce “phénomène” vont bon train, et plusieurs raisons sont invoquées. Cela va de l'augmentation des naissances, de l'allongement de l'espérance de vie jusqu'au comportement du simple citoyen. “L'algérien devient de plus en plus malade, et fait de plus en plus attention à sa santé”, nous affirme K. Kamel, responsable d'une pharmacie à Bachdjarah (Alger), qui ajoute pour essayer d'expliquer cette augmentation des importations : “Il ne fait confiance ni au médicament local ni encore à ceux venant des autres pays non européens qui n'ont pas du tout la cote. Il ne demande que le médicament venant d'Europe. Pour cela il est prêt à payer le prix. Le produit local ne tient pas tête sauf celui de Saidal qui a une gamme très large de médicaments, mais à lui seul, il ne peut pas concurrencer les produits européens”. De son côté, la représentante d'un laboratoire pharmaceutique européen installé à Alger a voulu s'étaler sur ce qu'elle voit sur “le terrain”. Elle explique ainsi que “c'est le patient qui raisonne par l'absurde, si ce n'est pas carrément absurde. Dès qu'il rentre chez un pharmacien, il demande d'emblée le médicament le plus cher. Il ne fait même plus confiance à l'emballage du médicament, et c'est l'une des raisons qui l'incite à choisir le produit européen. C'est plus qu'un complexe, c'est carrément une question de culture. On ne doit pas aussi oublier que c'est devenu maintenant très courant qu'au moindre petit bobo ou mal de tête, on court vers les pharmacies”. Notre interlocutrice n'hésite pas aussi à pointer du doigt les pharmaciens : “souvent, ils favorisent cet état de fait en incitant les patients à prendre certains types de médicaments.” Une situation qui, selon elle, conduit les patients à prendre les produits pharmaceutiques les plus chers, les mieux emballés, “mais pas nécessairement les plus efficaces”. Continuant sur ses “révélations”, elle ajoutera que les laboratoires pharmaceutiques étrangers trouvent leur compte avec l'attitude des citoyens et l'inertie des autorités du pays. “c'est un marché plus qu'alléchant pour eux. Malgré toutes les entraves qu'ils ont vécues avec l'administration, ils trouvent toujours leur compte. Il suffit de se fier à leurs chiffres d'affaires pour être établis”, ajoute-t-elle. À propos des usines que ces laboratoires ont ouvertes sur le sol algérien, la représentante d'un laboratoire européen précise que “la quasi-majorité de ces usines ne fait que du conditionnement au lieu de la fabrication. Les labos ont constaté que le prix de revient d'un médicament fabriqué ici est beaucoup plus cher que si l'on en importait. Ils ne veulent prendre aucun risque et n'investissent pas du tout pour le long terme”. D'ailleurs, les laboratoires pharmaceutiques ne sont plus obligés (comme auparavant) de fabriquer en Algérie après les dernières directives allant dans ce sens, alors qu'auparavant ils y étaient obligés après deux ans d'importations. D'autres “subterfuges” incombent aux laboratoires pharmaceutiques (et même aux producteurs locaux). Ceci ne peut que renforcer ceux qui ne cessent de crier au pouvoir des puissants lobbys du médicament dans notre pays. L'explication de l'augmentation de la facture est aussi due à d'autres paramètres “macro-humains”. La hausse de l'euro devant le dollar a aussi lourdement influé sur les “achats” sur le marché européen (plus de 80% des importations y proviennent) d'un pays comme le nôtre qui exporte en monnaie américaine. Des pharmaciens et médecins avancent aussi le fait que les prix des molécules mères soient alignés sur ceux du produit générique. L'urgence de trouver une solution à cette facture des médicaments est plus impérative. Il est vrai que la santé a un coût, mais elle n'a pas de prix. Salim KOUDIL