La gendarmerie de Mila a mis la main sur un trafiquant de documents qui s'est spécialisé dans les dossiers de demande de visa au consulat de France d'Annaba. L'affaire remonte à une lettre anonyme reçue par la gendarmerie de Bouira, contenant des détails, ainsi qu'une indication selon laquelle un trafiquant de visas travaille au profit d'une phalange du GSPC activant dans la wilaya de Mila. L'auteur, L. D. dit “Echahma” (bout de graisse), un mécanicien de 41 ans résidant dans la ville, serait, selon la lettre, en possession de plusieurs passeports falsifiés pour le compte des éléments du groupe terroriste appartenant au GSPC activant dans la région. Ces passeports sont utilisés par les terroristes pour se déplacer à l'étranger, notamment en France. Le trafiquant utilise les services d'une de ses connaissances travaillant au consulat de France à Annaba. Après perquisition de son domicile le 2 août passé, les gendarmes ont découvert 15 passeports dont un appartenant à son frère et un autre qui a expiré, au nom d'une dame née en 1953 à Oum El-Bouaghi et résidant à Mila. En plus de la preuve des passeports, les éléments de la GN ont trouvé une panoplie de documents falsifiés, authentiques ou préparés pour être modifiés. Tous les documents ont un lien avec les demandes de visa d'entrée en France. Ils ont ainsi trouvé 7 cachets d'entreprises privées, dont trois lui appartenant personnellement et un autre à l'un de ses frères, 7 attestations de travail avec 9 fiches de paie falsifiées au nom de personnes qui n'ont jamais exercé dans les entreprises mentionnées sur les documents. L'auteur accompagne les demandes d'attestation d'hébergement en France. Il a été découvert chez lui 15 attestations de ce genre dont 14 ne portant pas de détails car effacés, et l'original ; 82 autres attestations, copies d'origine et plusieurs photocopies de ces mêmes documents. Pour falsifier les documents, l'auteur découpe la partie où est apposé le cachet pour le coller sur une copie de l'attestation avec le nom du demandeur de visa. Après plusieurs passages au photocopieur, toute trace disparaît et le document devient une véritable copie de l'original. Il a été trouvé également à son domicile 303 dossiers de demande de visa français, 73 photocopies de passeports, 5 registres du commerce traduits en français, des photos d'identité de 531 femmes, 71 hommes et 4 enfants, ainsi que 94 chèques bancaires, 40 imitations (souches) de cachets d'entreprises publiques et privées. Il s'est même procuré des réservations d'hôtel en France et des invitations de sociétés étrangères. Dans son véhicule, les gendarmes ont mis la main sur une somme de 41 000 DA. Après avoir entendu les concernés, il s'est avéré que le “bout de graisse” s'est spécialisé dans cette activité depuis l'année 2001, et qu'il est connu pour procurer des visas français. Les passeports trouvés en sa possession lui ont été remis par leurs titulaires ainsi que leurs demandes contre une commission variant entre 10 000 et 100 000 DA. Certains des passeports lui ont été remis depuis 2004. Il a prétexté que leurs propriétaires ne les ont pas réclamés depuis, alors que ceux-ci déclarent avoir tenté vainement de le contacter depuis qu'ils les ont déposés. Preuve aussi de sa renommée, ses clients viennent d'un peu partout. Ils sont de Constantine, Jijel, Batna, Guelma, Annaba, Tébessa, d'Oran. Interrogé sur son complice au niveau du consulat et la manière avec laquelle il fait parvenir les demandes, il a affirmé qu'il utilisait le courrier ordinaire par le biais de la poste. Il a, par ailleurs, nié travailler avec un “collaborateur” exerçant au sein du consulat. Malgré l'arrestation de l'auteur de cette affaire, des questions demeurent sans réponse, à commencer par le dénonciateur anonyme. Résidant à Bouira, il donne dans sa lettre tellement de détails qu'il est plutôt dans la posture d'une victime que dans celle d'un citoyen soucieux de dénoncer un trafiquant. L'argument du GSPC pourrait bien être utilisé pour inciter les services de sécurité à ouvrir l'enquête. Il y a également l'énigme de ce fonctionnaire, intermédiaire, au niveau du consulat de France. Parce que, bien qu'il ait nié l'existence d'un intermédiaire, il a dû présenter une preuve ou quelqu'un comme garantie pour ses clients. Quant à ses liens avec les éléments du GSPC, l'argument paraît fantaisiste d'autant que le dénonciateur anonyme réside à Bouira, donc bien loin de Mila. Il a été présenté hier devant le procureur de la République. Djilali B.