Le conflit social, qui oppose depuis le début du mois d'août courant le syndicat d'entreprise à la direction d'Arcelor Mittal Annaba, prend décidément des allures de feuilleton. Les pourparlers reprendront lundi ou mardi prochains. La venue à Annaba, jeudi, d'une délégation de hauts responsables du groupe, mandatée depuis Londres pour dénouer la crise, n'aura rien apporté de probant ni de nouveau. Selon les syndicalistes, qui ont participé à une réunion de travail avec le DRH et du chef du département leadership et développement d'Arcelor Mittal, on s'acheminerait plutôt vers un prolongement du statu quo. Ces derniers se seraient limités à recueillir, en évitant de les commenter, les réserves qu'opposent les représentants des travailleurs au plan social que les responsables du groupe tentent d'appliquer au niveau du complexe d'El-Hadjar. Plan social dont la finalité inavouée serait, toujours selon les syndicalistes, de réduire encore plus les effectifs des unités de production, en les rationalisant à leur plus simple dimension. MM. Willie Smith et Laurent Mallet, qui s'étaient réunis avec le staff de la direction générale du complexe dans la journée, ont donc rencontré les deux principaux membres du bureau syndical d'Arcelor Mittal Annaba. Ils ont quitté Annaba pour Londres, vendredi tôt dans la matinée, en s'engageant à revenir dès lundi ou mardi pour une reprise des négociations, après consultation de leur patron. M. Kouadria Smaïn, qui ne cache pas sa déception quant au peu de sérieux qui a caractérisé cette rencontre, a déclaré que “les travailleurs attendaient beaucoup des émissaires particuliers du P-DG, dont ils espéraient un quelconque pouvoir de décision. Ceux-ci se sont avérés aussi peu investis de leur rôle de responsables véritables que les membres de l'équipe dirigeante du complexe en se référant constamment à leur hiérarchie à l'étranger. Nous déplorons cette attitude et estimons être en droit d'exiger dorénavant des négociations directes avec des interlocuteurs qui ont un pouvoir de décision réel”. Allusion on ne peut plus claire à la tournure que lui-même et Menadi comptent donner aux événements. Le syndicat annonce, en effet, sa détermination à faire entendre sa voix “quoi qu'il en coûte”, en privilégiant, toutefois, le dialogue et la concertation et en respectant à la lettre la législation en vigueur, est-il souligné. “Le partenaire indien veut de toute évidence nous avoir à l'usure et appliquer le volet social comportant, notamment, la compression du personnel. Nous nous attendions à une telle mesure depuis la fusion de notre partenaire initial Mittal Steel avec Arcelor, surtout depuis que ce dernier a déclaré clairement sa vision de la gouvernance du groupe”, regrette ce membre du comité d'entreprise du complexe qui dit avoir vécu toutes les étapes de la privatisation de l'ex-En Sider, avant d'ajouter : “Tout le monde sait aujourd'hui que les engagements pris en 2001 par le repreneur indien, particulièrement ceux concernant le maintien en poste des personnels, ne peuvent pas être indéfiniment tenus. La logique du désormais n°1 mondial de l'acier qu'est devenu Arcelor Mittal, qui emploie près de 320 000 travailleurs dans 61 pays, est fondée sur le profit. Il n'y a pas d'illusions à se faire, force est, par conséquent, pour nous syndicalistes de nous battre pour préserver au maximum les postes d'emploi et d'obtenir pour tous nos camarades les meilleures conditions de travail possibles.” Le secrétaire général par intérim du syndicat se dit fort du soutien de tous les travailleurs et annonce qu'un bulletin interne sera diffusé, dès ce début de semaine, pour l'ensemble des personnels des différentes unités du complexe, afin de les informer de ce qui a été fait avec l'employeur. “Nous demanderons à tous nos camarades d'être mobilisés dans l'éventualité d'un mouvement de grève générale et illimitée”, insiste-t-il. Une éventualité qui se précise de plus en plus, de l'avis du syndicaliste, au vu des atermoiements de l'employeur sur l'objet des revendications des travailleurs qu'il représente et compte tenu des démarches déjà engagées avec l'inspection du Travail pour se faire délivrer un procès-verbal de non-conciliation. Ce document est, rappelons-le, l'ultime phase réglementaire dans la procédure de règlement des conflits sociaux, avant l'annonce du préavis de grève et l'on s'attend à ce qu'il soit remis au syndicat lundi, date qui coïncidera justement avec le retour en Algérie des responsables du groupe d'Arcelor Mittal. Les événements se précipitent à grande vitesse. Ainsi, on se dirigerait de nouveau vers la paralysie du complexe. Affaire à suivre… A. ALLIA