L'inoubliable Algérie-Brésil du premier tour du Mondial mexicain de 1986, il l'a vécu de l'intérieur. En tant qu'acteur de cette superbe affiche où le “jogo bonito” de la quasi parfaite formation auriverde de feu Télé Santana s'est mêlé au football d'instinct et très technique de la meilleure EN de tous les temps qu'a possédée le football algérien. De cette affiche de légende, le Ballon d'or 1981 et icône du football algérien, arabe et africain des “eighteens”, Lakhdar Belloumi, en garde un trop-plein de souvenirs. Pour Liberté, il est revenu vingt et un ans en arrière. “Ah le Brésil ! Et en plus en Coupe du monde ! C'est le rêve de tout footballeur”, lâchera d'emblée Lakhdar Belloumi qui dit “se souvenir du moindre détail de cette rencontre au sommet”. “Les félicitations de Santana, un maillot pour chaque joueur” “C'était tout d'abord un plaisir immense. Affronter le Brésil qui possédait à l'époque peut-être la meilleure sélection de son histoire, c'était vraiment grandiose. En face, il y avait Oscar, Falcao, Junior, Zico, Socrates et Careca. C'étaient des stars et des joueurs de classe mondiale. Mais en dépit de leur grande valeur que toute la planète football leur reconnaissait, les Brésiliens étaient sur leurs gardes car ils avaient suivi ce que nous avions réalisé quatre années auparavant face aux Allemands. De notre côté, curieusement, nous n'avions pas peur de cet adversaire. Nous étions même confiants. Nous avons réalisé un très bon match et je peux même dire sans prétention aucune que nous pouvions facilement aspirer à un meilleur résultat.” Belloumi se souvient d'ailleurs de “deux occasions nettes que l'équipe nationale a ratées avant que le Brésil ne marque l'unique but de la rencontre”, “La première, c'était même-moi qui l'avait ratée. La seconde, c'était Assad”, précisera notre interlocuteur. “Voilà ce que m'a dit Zico” “Notre prestation très honorable était telle qu'à la fin du match, les Brésiliens, leur entraîneur Télé Santana en tête, sont venus dans notre vestiaire pour nous féliciter. À chacun de nous, ils ont offert un de leurs maillots”, dira encore Belloumi qui relève également la grande sportivité du grand milieu de terrain de l'époque, Falcao, qui, soulignera l'ex-numéro de 10 de l'EN, “est venu me voir pour une petite discussion après le match au cours de laquelle il n'a pas manqué de nous féliciter, de me dire que nous avions une grande équipe et qu'il souhaitait nous voir passer ce premier tour”. Outre Falcao, l'ex-meneur de jeu des Verts a également reçu un autre invité de marque après la rencontre. “Personnellement, j'ai été également très touché par les marques de sympathie de Zico à mon égard. Il n'a pas joué ce match car il était blessé. Il était remplaçant mais il est quand même venu me voir, me féliciter et surtout se renseigner sur mon état de santé. Il m'a demandé si j'étais complètement rétabli après ma méchante blessure en Libye. J'ai été victime d'une fracture en mars 1985. Un an et trois mois plus tard, Zico m'a dit qu'il suivait mes nouvelles et qu'il était content et soulagé que je sois de nouveau sur les terrains”, relatera avec beaucoup d'émotion et de fierté dans la voix Lakhdar Belloumi, qui avait joué aux côtés du Pelé blanc “dans l'équipe du Reste du monde le 9 août 1982 à New York”. “La main impuissante de Falcao” Des détails et des anecdotes de cet Algérie-Brésil de gala, Belloumi en a beaucoup. “Sur une action, j'ai dribblé Falcao. Technicien comme il l'était, il savait qu'il était pris, alors pour ralentir l'action, il n'a pas trouvé mieux que de se ramener le cuir de la main. Cela m'a fait bizarre de voir un aussi grand joueur utiliser sa main comme signe d'impuissance”, notera, à ce sujet, l'ex-meilleur joueur du continent qui ne s'est également pas empêché d'affirmer que “cette équipe de 1986 était meilleure que celle de 1982”. “Je reste convaincu qu'en 1986 nous étions meilleurs qu'en 1982. Ce qu'il nous manquait dans ce Mondial, c'était un homme de poigne comme Mekhloufi ou Khalef. Car je suis sûr et certain qu'avec l'un d'eux, nous serions passés au second tour. Tout le monde savait que Saâdane ne pouvait pas gérer une telle situation. Saâdane était l'homme de la semaine, mais pas celui du match. En 1986, les joueurs locaux que possédait l'EN étaient, pour la plupart, meilleurs que ceux qui jouaient à l'étranger. Cela a créé un climat de tension et tout le monde connaît maintenant la suite. Mais il n'empêche qu'après notre élimination, les Brésiliens, qui s'étaient déplacés à Monterrey pour jouer leur troisième match étaient les premiers surpris. Vu notre performance face à la Seleçào, les Brésiliens, Télé Santana en premier, nous prédisaient un bon parcours durant cette Coupe du monde”, regrettera l'enfant chéri de Mascara qui mettra en exergue le fait “qu'en 1982 le groupe était plus soudé qu'en 1986”. “Avec Khalef ou Mekhloufi, on se serait qualifiés” “Nous étions trop gentils pour une épreuve pareille. De plus, Saâdane changeait trop l'équipe pour qu'elle puisse rester performante. Il y avait trop de pressions et cela a fini par exploser face à l'Espagne, qui, comble de l'ironie, craignait tellement notre équipe qu'elle souhaitait bien avant le match un arrangement sous la forme d'un nul qui ferait l'affaire des deux équipes. Les Espagnols passaient et nous aussi de par notre qualité de meilleur troisième, si ma mémoire est bonne”, déplorera encore l'ancien maître à jouer des Fennecs. Ce match face au Brésil en Coupe du monde, “le meilleur de ma carrière, soulignera Belloumi, a été une sorte d'apothéose pour le football national”, estimera encore l'éditorialiste de Liberté Foot. “Ce jour-là, nous avons joué un football de très haut niveau. Un football de niveau mondial. Vu ce que nous avions réussi face à un adversaire d'un tel calibre, qui plus est le meilleur à cette époque, il ne serait pas du tout usurpé de dire que nous avons atteint, du moins le temps des 90 minutes qu'a duré la rencontre, le niveau du Brésil. Oui, nous avons atteint le niveau du Brésil. Un exploit qui n'est pas à la portée du premier venu”, soulignera, nostalgique, l'un des meilleurs, sinon le meilleur footballeur que l'Algérie ait enfanté. “Algeria, Algeria… donnait la chair de poule” Et d'enchaîner : “Techniquement, c'était un régal. C'était même mieux que lors d'Algérie-Allemagne. Du top niveau. Et dire que nous avions fait jeu égal avec les meilleurs, les maîtres absolus en matière de technicité et de maîtrise du ballon.” Ce qui a, cela dit, le plus marqué Lakhdar Belloumi lors de ce Brésil-Algérie a été “l'attitude du public mexicain et sud-américain envers notre équipe”. “Quand je m'en rappelle, j'en ai encore la chair de poule”, résumera l'ex-star maghrébine et de relater : “Lorsque vous jouez devant le Brésil, à Guadalajara, au stade Jalisco, là même où Pelé et ses coéquipiers ont triomphé et que le public du stade tout entier, qui a pourtant la sélection brésilienne dans le cœur, commence à scander Algeria, Algeria… vous vous dîte que vous êtes en train d'écrire l'histoire. Que vous êtes en train d'accomplir quelque chose d'énorme, de sensationnel…” A. Karim