“Je n'ai pas annoncé mon intention de briguer un second mandat.” Dixit le chef de l'Etat. Déroutant a été encore une fois le président de la République Abdelaziz Bouteflika dans une interview accordée à notre confrère Le Jeune Indépendant à l'occasion du quatrième anniversaire de son élection à la tête du pays. A Jean-Pierre Alkabbache d'Europe 1, il avait confié, au lendemain de la visite de Chirac en Algérie, qu'il n'était pas fatigué et que présider le pays était la seule chose qu'il savait faire. Deux médias — l'un étranger — et deux versions, ou plutôt deux confessions. Abdelaziz Bouteflika, dont personne ne fait mystère de sa détermination de continuer l'aventure au palais d'El Mouradia, cache désormais son jeu. Fin tacticien, il ne veut pas abattre ses cartes. Il veut se faire désirer, en donnant cette soudaine impression que sa candidature n'était pas “tout à fait claire”. Maintenant que celle de Ali Benflis ne fait plus l'ombre d'un doute d'après le microcosme algérois, Bouteflika (re)marche sur la pointe des pieds et s'impose une réserve stratégique qui transparaît tout au long de ses réponses, souvent prudentes, rarement éclairantes, et jamais tranchantes. Le ton est donné : le Président veut à présent entretenir un faux suspense sur sa propre candidature pour déplacer la curiosité des médias et de l'opinion de celle éventuelle de Ali Benflis. Il veut ravir la vedette à son chef du gouvernement mais néanmoins futur concurrent au rendez-vous d'avril 2004. Le compte à rebours ayant désormais commencé, le chef de l'état entend ainsi soigner précautionneusement son image à l'égard des Algériens, mais surtout à l'égard des vrais décideurs. Et quand il promet de prendre sa décision au moment opportun, il ne fait en réalité que confirmer sa stratégie de travailler en douceur pour “vendre” sa réélection. D'ailleurs, il ne manque pas de lancer quelques subtilités quand, évoquant les chantiers économiques, il fait remarquer que “beaucoup reste à accomplir (…). Je veillerai à ce que l'action se poursuive jusqu'à son terme et notamment dans la relance économique”. Voilà un aveu qui renseigne sur les vraies intentions du Président. A une question vicieuse sur un éventuel changement du gouvernement, Abdelaziz Bouteflika a saisi au vol le message, et répondu, sec, que “les choses ne se traitent pas à travers des scoops”. Comprendre : Bouteflika ne veut point s'exprimer sur le départ, libre ou contraint, de Ali Benflis de la chefferie du gouvernement, suggérant que la question devrait être réglée ailleurs que sur les colonnes des journaux. Mais il ne cache pas pour autant son intention d'en découdre avec le FLN et son secrétaire général si d'aventure la majorité parlementaire venait à bloquer les projets de lois puisés de son programme. “Si une telle éventualité venait à se poser, j'agirais en conséquence”, met-il en garde, comme pour signifier sa disponibilité à dissoudre l'APN, pour sanctionner le parti de son concurrent. Sur les autres sujets, le président n'a fait que surfer sur des généralités où la prudence et la réserve sont omniprésentes. A l'exemple de sa réponse sur la crise de Kabylie, pour laquelle il souhaite, simplement, que “la sagesse triomphe”. H. M.