Si le ministre du Travail a parlé, ce week-end, de la nécessité de réhabiliter les métiers traditionnels en citant pour exemple le plombier et l'électricien, c'est parce que le marché de l'emploi en a énormément besoin. Mais dans un pays qui enregistre chaque année quelque 500 000 victimes de l'échec scolaire, le secteur de la formation professionnelle a, lui aussi, besoin d'être remis en selle afin de faire face aux besoins de plus en plus pressants de la construction. La microentreprise, selon le ministre du Travail, doit être créatrice d'emplois afin d'être conforme avec les objectifs du gouvernement, lesquels tablent sur la résorption du problème de chômage en créant 2 millions d'emplois d'ici la fin 2009. Dans cette veine, il faudra peut-être relever que le gouvernement dispose, dans le secteur du bâtiment et celui des travaux publics, de sérieuses références pour parler avec une telle assurance de la création d'autant d'emplois en à peine deux années. Or, d'après les statistiques, le secteur du BTP n'emploie que 15% de la population active en Algérie. Et on se trouve aujourd'hui dans la situation paradoxale où des milliers de jeunes Algériens sont au chômage, alors que les entreprises du bâtiment connaissent une pénurie de main-d'œuvre. Pénurie de main-d'œuvre Nombreuses sont les entreprises qui se trouvent confrontées à une véritable pénurie d'ouvriers qualifiés, obligées parfois, donc, d'arrêter leurs chantiers faute de main-d'œuvre. Elles sont aussi nombreuses les entreprises du BTP qui cherchent cette qualification dans la main-d'œuvre étrangère. Il est utile en ce sens de rappeler que l'Algérie compte aujourd'hui près de 20 000 travailleurs étrangers contre à peine cinq bonnes centaines en 1999. Ce chiffre est appelé à une évolution certaine du fait que notre pays a toujours besoin de cette main-d'œuvre étrangère. D'énormes projets sont en chantier et ne demandent qu'à être achevés, souffrant cependant de rien d'autre que d'un manque flagrant de compétences, aujourd'hui disponibles ailleurs que dans le pays. C'est une réalité qu'on ne peut nier du côté officiel : le bâtiment, les travaux publics, le secteur des hydrocarbures et celui de la téléphonie mobile sont les plus grands consommateurs de la qualification étrangère. Et on n'en fait pas grand mystère dans les différents départements ministériels où l'on déclare volontiers que la productivité des étrangers peut se révéler supérieure à celle de nos travailleurs. Ceci pour justifier le fait que sur les tablettes du gouvernement figure en bonne place la qualification venue d'ailleurs, pour la réalisation de l'ensemble des projets inscrits dans le cadre du plan de relance économique. l'avenir du BTPH compromis si… C'est ce qui explique, d'ailleurs, la célérité qui a caractérisé la mise en place d'une batterie de textes relatifs à l'organisation du travail et du séjour des étrangers en Algérie. Pour autant, la nécessité de former une main-d'œuvre nationale qualifiée est devenue incontournable pour faire face au développement de l'économie, contrainte jusqu'ici d'inscrire en priorité dans son agenda le partenariat étranger pourvoyeur de main-d'œuvre qualifiée. El-Hadi Khaldi, ministre de la Formation professionnelle, qualifiait le manque de main-d'œuvre de “phénomène dangereux” avec cet argument massue qui veut qu'en Algérie, il existe quelque 500 000 jeunes en déperdition après leur échec scolaire et qui nécessitent une prise en charge et une formation professionnelle. D'autant plus que le pays a un besoin urgent en main-d'œuvre qualifiée dans tous les secteurs d'activités. Les principaux acteurs du secteur estiment que pour développer le secteur du BTPH, il ne suffit pas seulement de mobiliser les moyens financiers, dont le problème ne se pose plus, mais il faudra trouver une ressource humaine qualifiée pour pouvoir exécuter les projets programmés, ce qui fait grandement défaut à l'heure actuelle. Le déficit d'entreprises de réalisation s'explique aussi par la pénurie en ouvriers qualifiés en maçonnerie, ferronnerie, électricité, plomberie, peinture… Des mesures ont été initiées pour encourager la formation dans les métiers du bâtiment, mais aussi accompagner “des stages dans les entreprises en octroyant aux stagiaires des bourses mensuelles de 5 000 DA”. Cette démarche a permis, selon le ministère de la Formation professionnelle, à près de 20 000 stagiaires en 2005 et un peu plus en 2006, de bénéficier de cette opération. Officiellement, depuis 1999, plus de deux millions de postes d'emploi ont été créés. Ces postes d'emploi ont coûté au gouvernement une enveloppe budgétaire de 92 milliards de dinars. Cependant, il y a lieu de s'interroger sur le nombre de postes d'emploi créés et qui ne sont pas durables. le poids de l'informel Quand on sait que des milliers de jeunes voient leurs postes de travail partir en fumée au bout d'une année, on ne peut que s'inquiéter à propos du triomphalisme de certaines statistiques qui comptabilisent un emploi au départ, oubliant que celui-ci n'aura plus d'existence une fois expiré le contrat en vertu duquel il a été créé. Significative aura été à ce propos la réaction du ministre du Travail, Tayeb Louh, après avoir entendu, jeudi dernier, les explications du directeur de l'emploi des jeunes au niveau de l'Ansej de Tipasa. “Vous me posez un problème grave”, devait-il s'exclamer. Le ministre ne croyait pas si bien dire en enjoignant à son interlocuteur de prendre en charge le suivi des jeunes qui achèvent la période de travail contractuel. Car comble de malchance pour celui qui a déjà travaillé dans ce cadre, il doit laisser le tour à ceux qui n'ont pas eu la même chance que lui. Ceci pour dire que si Tayeb Louh veut savoir où vont ces jeunes après ces mois de travail, qu'il fasse un tour du côté du secteur de l'informel réellement performant sur le registre de l'emploi. Pour tout dire, il a créé en sept ans autant d'emplois sinon plus que toutes les structures de l'Etat réunies. Il y a lieu peut-être de relever enfin, toujours en parlant du secteur informel, particulièrement celui qui verse dans le commerce des produits et biens d'importation, qu'il reste pour les jeunes plus attractif que le travail pénible et aussi précaire que celui qu'offrent le bâtiment et les travaux publics. Ceci est particulièrement vrai pour les grandes agglomérations du pays où l'on compte le plus grand nombre de projets en chantier orphelins même des métiers qui n'exigent aucune qualification. Nombreuses sont les entreprises qui puisent dans les campagnes de certaines wilayas démunies non encore gangrenées par le phénomène du “trabendisme” pour alimenter leurs chantiers en ouvriers affectés aux tâches de manutention. Zahir Benmostepha